Huitième série de réponses de JD Beauvallet à vos questions. Où Jacques Zimako sacrifierait bien huit orgasmes avec Shirley McLaine juste pour interviewer Bo Diddley.
Quid de Bill Pritchard ?
Bill est revenu à l’éducation nationale anglaise, dans la ville nordique de Stoke, où il enseigne le français et l’allemand. Mais il n’a pas renoncé à la musique. Il a même publié, il y a plus de deux ans, l’album de pop bucolique et teigneuse Happiness & other crimes. On y retrouvait son single Every loser in London, une des vacheries irrésistibles dont est capable ce paresseux désespérant. L’album était d’ailleurs sorti en France presque un an après sa sortie anglaise. Aux dernières nouvelles, Bill a formé le groupe Beatitude et avait composé suffisamment de chansons pour enregistrer un nouvel album, qu’il avait annoncé pour début 2001. Il parlait alors d’une sortie uniquement via internet, mais je n’ai jamais vu passer ce disque. Il avait également enregistré une reprise de Polnareff sur un album hommage à notre Michou national, sorti en France par le label Treize Bis. En Angleterre, le groupe Gamine (rien à voir avec les Bordelais !) reprend régulièrement des titres de Bill sur scène. Le groupe a d’ailleurs assuré quelques premières partie d’Autour de Lucie (qui avaient autrefois co-écrit avec Bill Pritchard).
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Lorsque que tu as commencé ton métier de journaliste, peux-tu me dire dans quel état tu étais à la veille de ta première interview ? D’ailleurs c’était qui ?
Je suis toujours très nerveux à l’idée de rencontrer un artiste, que ce soit David Bowie ou Ed Harcourt, une star internationale ou un anonyme DJ de Manchester. Ce trac me parait être une forme saine de concentration et je m’inquiéterai le jour où je partirai à une rencontre la fleur au fusil. Mais vue la pression que je me mets moi-même (parfois jusqu’à trois jours de préparation et de rédaction maniaque de questions pour une interview !), ce n’est pas demain la veille que je partirai sereinement. Le trac est une forme de respect pour la personne en face : je prends la désinvolture comme un manque flagrant de considération chez un journaliste, je suis régulièrement outré de voir des collègues partir en interview avec trois questions griffonnées sur un bout de papier. La préparation, minutieuse voire sournoise, peut emmener la personne en face dans des endroits où elle n’avait pas du tout prévu d’aller. La première interview, j’avais 16 ou 17 ans, c’était pour une radio libre. J’avais en face de moi une légende et je n’en menais pas large. Mais Bo Diddley a été un merveilleux départ.
Cher JDB, comment vous, Les Inrocks, pouvez-vous aimer le dernier album d’Aphex Twin ? Des fois j’ai l’impression qu’aux Inrocks vous vous sentez dépassés par certains artistes, au point de dire que c’est de bon artistes de peur de manquer le coche.
C’est ce disque particulièrement d’Aphex Twin ou Aphex Twin en général que vous ne supportez pas ? Car Aphex Twin est pour moi de la même importance que Eno ou Kraftwerk, c’est à dire de la trempe des musiciens que je considère comme des génies ET dont j’écoute régulièrement les disques ? ce qui ne va pas toujours de paire : j’écoute beaucoup de disques dont les auteurs ne sont pas des génies et je collectionne beaucoup d’ uvres de génies que je n’écoute jamais. Mais là, il y a matière à la fois pour la rêverie et la réflexion. Et son nouvel album, d’apparence plus décousue et réfléchie que les précédents, me porte loin, mais sans violence. Les premières écoutes m’avaient pourtant laissé dubitatif : j’avais l’impression d’un disque de faiseur, capitalisant sur ses inventions. Mais il fait partie de ces disques que je peux écouter à différents niveaux, qui se révèlent sur la longueur, ce qui est rare et précieux.
Comme j’ai arrêté depuis l’adolescence de me FORCER à écouter des disques, seul le bien-être me pousse. Et Druqks m’en fournit régulièrement. Pour ce qui est de suivre Aphex Twin par snobisme, je ne pense pas que nous aurions pu nous mentir à nous-mêmes depuis si longtemps : le premier long article dithyrambique sur Richard D.James dans Les Inrocks remonte à début 94. Sur la même page, on parlait pour la première fois aussi, d’un merdeux découvert par hasard sur une radio de Los Angeles : Beck. Là non plus, on ne s’est jamais forcé.
Est-ce que toi aussi, à l’époque, ça t’arrivait de confondre Jacques Zimako et Gérard Janvion ?
Jamais, je savais reconnaître la coupe afro de Gérard à des kilomètres. Il était un héros louche de Van Peebles, un gardien de putes dans Starsky & Hutch. La classe magistrale, le Gérard. Zimako, à côté, faisait un peu choriste des Commodores.
Que sont devenus les Lotus Eaters et les Woodentops et leurs leaders charismatiques ?
Déjà passionné de musiques électroniques à l’époque des Woodentops, le chanteur Rolo est ensuite devenu producteur, DJ et tenancier de label techno. Mais il n’a cependant rien avoir avec le célèbre Rollo, producteur de Faithless et frère/mentor de la chanteuse Dido, samplée par Eminem sur Stan.
Le chanteur des Lotus Eaters, Peter Coyle, a lui aussi basculé très tôt dans le dance-music au milieu des années 80. On lui doit, ces années-là, quelques singles de dance sublime (le Sly one de la belle Marina Van-Rooy) mais aussi des albums solos opaques et psychiatriques, dont le toujours effrayant I would sacrifice eight orgasms with Shirley McLaine just to be there. On le croyait perdu (pour la science comme pour la musique) quand on apprend, en ce début de 21e siècle, qu’il a reformé les Lotus Eaters, autour de son précieux guitariste Jerry Kelly (le son de cristal déjà adoré chez les Wild Swans). Ce sont les patients et érudits japonais du label Vinyl Japan, grands collectionneurs de trésors oubliés des eighties, qui sont derrière cette reformation, qui devrait vite aboutir à un nouvel album, Silent space.
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