La trêve des confiseurs et la mollesse du mercato d’hiver lui ont fait le plus grand bien : JD Beauvallet se fend d’une nouvelle série des réponses aux questions que vous lui avez posées dans le service Music:Response.
Cher JD, saurais tu, par hasard, ce qu’est devenu Gary Lineker Vu que je voulais être lui quand j’étais plus petit, j’aimerais bien savoir ce que je vais devenir. D’avance merci JD.
Eh bien tu finiras présentateur de la cultissime émission Match Of The Day sur la BBC. L’émission qui, autrefois, était l’équivalent anglais de Télé Foot ou Jour De Foot (avec résumé en différé de toutes les rencontres de la Premiere League) s’est fait piquer les droits de retransmission du championnat anglais par ITV il y a un an ou deux. Du coup, Lineker fait un peu comme France 2 et France 3 en matière de foot : il présente les miettes. Toujours aussi impeccable, drôle et cultivé, il porte désormais les cheveux gris et s’occupe également de plusieurs uvres caritatives. Il est aussi capitaine d’une des deux équipes du quizz-show télévisé They Think It’s All Over, un genre de Burger Quizz sans pets ni rots autour du sport. On le retrouve régulièrement en tant qu’invité dans des talk-shows, où sa vivacité demeure une joie. Il est, enfin, le représentant officiel de la marque de chips Walkers Crisps, pour qui il est le héros récurrent de spots télés toujours comiques. Le montant de son contrat pour ces publicités serait de plusieurs dizaines de millions de francs.
Après Jennifer Charles et Paula Frazer, quels sont pour toi les futures révélations féminines à surveiller de près ?
Parmi les nouvelles chanteuses de soul azimutée, j’ai un faible coupable pour l’Anglaise MS Dynamite, malgré son annulation de dernière minute au récent festival des Inrocks. J’aime aussi beaucoup la voix, sensuelle et coquine, de la jolie Galen Ayers, fille de Kevin Ayers et songwriter charnelle. Parmi les chanteuses plus adultes, il faut absolument écouter Gillian Welsh, sorte de grande s’ur fantasmée (robes à fleur, voix douce, conversation tordue) et perdue parmi les brutes de la country de Nashville. Si on veut fréquenter des garces insortables, je conseille les gourgandines électriques de Ping Pong Bitches, dont on devrait pas mal parler en 2002 (plus que de leurs disques à la banalité épuisante). Ou l’omniprésente Miss Kittin, craquette aux disques nettement plus inspirés. Sinon, histoire de compléter la collection Jennifer Charles/Paula Frazer, je rappelle que la troublante Hope Sandoval (Mazzy Star) a sorti un album solo le mois dernier.
Cher Jean-Daniel, hormis le classique incontestable (quoique toujours aussi frappé et dérangeant) qu’est Trout Mask Replica, quels sont selon toi les albums de Captain Beefheart que se doit de posséder tout passionné de rock digne de ce nom ?
Bizarrement, j’ai toujours eu plus de sympathie pour deux albums considérés mineurs dans sa discographie : Lick My Decals Off, baby, enregistré en 70 et, surtout, pour Shiny Beast, sorti à la fin des années 70. Une merveille traître, où la pop-music est torturée avec un sadisme et un raffinement trop rares.
Mon très cher Jean Daniel, pourrais-tu enfin me dire ce que tu penses de Deftones ? (me répondras-tu enfin ???)
Mais voilà la réponse. Je trouve les Deftones très beaux, parfaitement designés, précisément décidés en réunion de marketing pour remplir une niche, une fonction. Il fallait un groupe pour piquer l’argent de poche des adolescents des banlieues mornes et aisées des provinces américaines sans non plus prendre le risque d’engendrer une révolution (syndrome Rage Against The Machine), une vague de suicide (Nirvana) ou un déferlement de branleurs apathiques et donc non consuméristes (le syndrome Offspring). Les Deftones, groupe amical avec les radios et assez inoffensif a donc été inventé pour donner aux ados blancs et en bonne santé des Etats-Unis l’impression d’être rebelles et de faire partie d’une sous-culture. Mais cette révolution’ ne fait le bonheur que des marchands de sweat-shirts à capuches et de l’industrie morte de rire, du label du groupe à MTV. Sinon, ce que je pense des disques : quelques singles assez imparables et des concerts pas mal pour un boys-band punk.
Que signifient les abréviations EP, LP etc… ?
EP est l’abréviation de Extended Play et désigne les quarante-cinq tours à plusieurs titres, apparus au court des années 60. Les premiers 45 tours de format single (17 cm) sont apparus aux Etats-Unis dès 1949 et n’ont été fabriqués en France que deux anées plus tard. Le LP (pour Long Play ») est le terme technique pour décrire un album en vinyle. Les premiers essais de LP’s remontent aux années 30, avant même la commercialisation des ancêtres en 78 tours. Le LP deviendra le support-roi dès 57, quand l’industrie du disque a abandonné le 78 tours. Les premiers CD’s commercialisés, eux, sont apparus en 1982 au Japon. La France a suivi un an plus tard.
Cher JD, un nom revient constamment dans les influences de mes groupes préférés, il s’agit de Durutti Column. Quels disques de ce groupe pourrais tu me conseiller ?
Sans hésiter le fantastique LC (abréviation de La Lutte Continue », cri de guerre de l’anarchiste espagnol Durutti). Le label Factory Benelux avait sorti en 91 une compilation de bric et de broc également recommandée : Lips that would kiss. Il y a quelques années, un label japonais avait sorti sous forme de coffret les quatre premiers albums studio, tous magnifiques, du groupe de Manchester : Without Mercy, Another Setting, The Return of the Durutti Column et LC. Je ne l’échangerais pas pour une nuit avec Björk, Hope Sandoval, Jennifer Charles et Frank Black.
Cher JDB, dans Music:Response 11 tu nous expliques que les Neptunes « subliment la superficielle Kelis ». Or, dans ta chronique de Kaleidoscope, tu les accusais de plomber l’album de la révélation R&B….Qu’est-ce qui nous vaut ce retournement de veste ?
Tout ceci s’explique par le fait que je n’écris pas moi-même mes articles, j’ai quand même des choses plus intéressantes à faire de ma vie.
La production, sur le premier album de Kelis, Kaleidoscope, virait parfois à l’exercice de style, à la démonstration virtuose de producteurs voulant prouver qu’ils pouvaient toucher à tout. Ils s’étaient un peu servis d’elle pour envoyer leur carte de visite, exposer leur polyvalence. Sur le second album de Kelis, ils sont nettement plus sobres et plus précis. Mais leur meilleure production de l’année demeure mon disque préféré de 2001 : leur propre album sous le nom de N*E*R*D*. Un disque où, n’ayant déjà plus rien à prouver à une industrie désormais à leurs genoux, ils se permettent toutes les audaces, les virages, les dérapages, unifiant à la seule force de l’intelligence et de la sensualité le rock, le hip-hop, la soul et la pop. Un disque important.
Je me rappelle avoir vu l’année dernière un clip qui consistait en un gros plan séquence montrant deux langues se léchouiller pendant tout le morceau, avant l’inévitable (et magnifique) patin à la fin : de quel morceau ce clip était-il l’illustration ?
Le clip en question, qui a connu son heure de gloire sur les chaînes musicales du monde entier (alors que le single en question connaît surtout son heure de gloire chez les soldeurs) était signé Julien Creuzard, Fabien Dufils et Julien Bréart mais conçu par JayRockZ. La chanson, sortie fin 2000, s’appelait You Are My High et cette tranche de house atmosphérique était l’ uvre de l’électronicien parisien Demon, en collaboration avec Heartbreaker (l’intulé du single était d’ailleurs Demon vs Heartbreaker).