Jazz à Mulhouse propose, du 21 au 25 août, sa collection de musiques fouineuses et alternatives. A côté des grands maîtres de l’improvisation libre (Lazro, Joe Mc Phee) et autres figures incontournables (Brötzmann, Mengelberg, Bennink), on profitera de l’occasion pour tenter de départager les deux ténors de la nouvelle scène free : Ken Vandermark et Mats Gustafsson…
Au c’ur de l’été alsacien, alors que la plupart de ses « concurrents », mollement avachis sur leurs lauriers, naviguent à vue dans leurs choix, fabriquent leur programmation au gré des modes et se complaisent en mondanités, le festival de Mulhouse, joyeusement incorruptible, persiste dans sa ligne pure et dure, en proposant chaque année une collection choisie de musiques chercheuses, fouineuses, avant-gardistes ou marginales, savantes ou bricolées, toujours expérimentales, alternatives et décalées, pour la plupart adeptes ou issues de la sphère de l’improvisation libre.
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Seule exigence pour faire partie de la fête : que ça (se) cherche, que ça innove, que ça invente de nouveaux rapports au monde et aux autres, propose de nouvelles perspectives’ Et tant pis (tant mieux !) si ça gratte, frotte, craque, irrite l’oreille ou bouffe le cerveau : le propos est de bousculer les vieilles habitudes, quels que soient les moyens mis en uvres. On ne sera donc pas étonné de retrouver cette fois encore à l’occasion de cette nouvelle édition, le plus extraordinaire rassemblement de renégats, extrémistes et autres terroristes que l’on puisse imaginer Des historiques figures de la Free music européenne que sont Peter Brötzmann, Han Bennink ou Misha Mengelberg à la nouvelle vague incarnée par les univers pluriels des saxophonistes hurleurs Ken Vandermark et Mats Gustafsson ou par le piano liquide et pulsatif de la jeune suissesse Sylvie Courvoisier, c’est toute l’internationale des musiques improvisées qui se donne rendez-vous à Mulhouse avec toujours le même désir irrépressible de créer de l’inouï.
Programme
Mardi 21 : Zakarya ; Erika Stucky & Roots of Communications.
Mercredi 22 : Claude Tchamitchian/Jean-Luc Cappozzo ; Sylvie Courvoisier/Mark Feldman ; Yves Robert Quintet ; Peter Brötzmann/Ken Vandermark/Kent Kessler/Michael Zerang ; Boom Box.
Jeudi 23 : Mats Gustafsson/Barry Guy ; Nevergreens ; Joe McPhee/Daunik Lazro/Raymond Boni ; Claude Tchamitchian ; Ex Orkest ; Kletka Red.
Vendredi 24 : Hélène Breschand ; Tobias Delius Quartet ; NOHC ; Brötzmann Chicago Tentet ; Alas No Axis.
Samedi 25 : Cinerir’Arfi ; Ocus Pocus Orchestra ; Chenevier / Didkovsky ; Jean-François Pauvros Solo ; Misja Mengelberg / Han Bennink ; In The Tradition Trio.
Sylvie Courvoisier
La jeune pianiste suisse Sylvie Courvoisier, adepte du piano préparé, détourné, percussif, influencée par le jazz le plus libre autant que par certains aspects de la musique contemporaine la plus élaborée, partenaire de musiciens aussi différents et décisifs que Fred Frith, Mark Feldman, Ikue Mori, Joëlle Léandre ou Thomas Stanko, apparaît aujourd’hui comme l’une des musiciennes les plus pertinentes de la nouvelle scène mondiale, riche déjà d’un univers poétique impressionnant d’évidence, de profondeur et de maîtrise. En duo avec son compagnon, le violoniste Mark Feldman, partenaire régulier de John Zorn ou encore Uri Caine, musicien extraordinaire à l’aise dans tous les contextes, du néo Klezmer déjanté aux pièces plus intimistes et savantes proposant de nouvelles voies au domaine contemporain, la jeune suissesse exilée aux USA invente une musique à la fois sensuelle et cérébrale, profondément attachante et novatrice.
Mercredi 22 août
Ken Vandermark
Jeune saxophoniste virtuose au savoir encyclopédique, Ken Vandermark s’impose aujourd’hui comme le principal catalyseur du renouveau de la scène jazz de Chicago. Virtuose du saxophone ténor, explorant tous les registres de l’expressionnisme jazzistique contemporain (de la rage violemment primitive d’Ayler au lyrisme cérébral d’Anthony Braxton, de la vocalité savante d’un Joe McPhee aux empilements de matières concassées héritées d’Evan Parker) ; musicien avide de rencontres, toujours prompt à s’aventurer dans les contextes les plus divers et variés, des flottements flous de l’inclassable groupe Gastr del Sol aux furies délirantes du Chicago Tentet imaginé par Peter Brötzmann ? Vandermark est sur tous les fronts d’une nouvelle scène chicagoane étonnante de dynamisme et d’éclectisme, basant sa spécificité sur une ouverture d’esprit généralisée et un goût forcené pour les hybridations en tout genre
Se référant directement aux grands maîtres de la modernité jazzistique, qu’ils soient américains ou européens, la musique de Vandermark obéit à quelques obsessions fertiles : d’une part (ré)unifier une certaine conception européenne de la matière sonore et de l’exploration des timbres avec le sens rythmique et pulsatif de la tradition américaine ; d’autre part se positionner vis-à-vis des grands ancêtres dans une sorte de co-présence au passé qui ne serait pas un passéisme, mais une façon dynamique de remettre en scène et en mouvement un certain nombre d’intuitions trop vite effleurées et abandonnées’ D’où cette musique libre et rigoureuse, ouverte et structurée, jouant sur la maîtrise de la forme et son incessante remise en cause en débordements successifs, attentive au son (à sa matière, à sa couleur, au grain) sans jamais abandonner son sens du groove et du dynamisme.
Mercredi 22 août
Peter Brötzmann Chicago tentet
Depuis près de vingt ans maintenant Peter Brötzmann a fait de Chicago sa terre d’élection aux USA. Musicien clef de la scène free européenne, le saxophoniste a trouvé là une nouvelle génération exceptionnelle de musiciens plus ou moins jeunes et novices, à l’ouverture d’esprit proprement confondante en ces temps de repli identitaire et de frilosité créative, avec qui partager sa conception radicale de l’improvisation libre. Créé en 1997 avec l’avant-garde des musiciens de Chicago (Ken Vandermark, Mars William, Kent Kessler, Jef Bishop ? tous membres du Vandermark 5 ! ? ; mais aussi des personnalités aussi importantes que Joe McPhee ou Hamid Drake), ce mini big band mal lêché et profondément azimuté, augmenté ici d’un invité prestigieux en la personne du contrebassiste et activiste new-yorkais William Parker, invente une musique sans concession, intensément dramatique et violemment expressionniste, jouant avec virtuosité sur les tensions et contradictions suscitées par la friction incessante entre improvisation radicale et structures formelles. Une musique à la fois physique, pulsionnelle et réfléchie, profondément démocratique dans son organisation, chacun étant amené à prendre sa place sans restriction, sans jamais pourtant perdre du vue l’expression collective. Un dépassement possible de l’improvisation pure.
Vendredi 24 août
Misja Mengelberg
Voilà plus de trente ans maintenant que Misja Mengelberg promène son personnage Beckettien de clochard métaphysique sur toutes les scènes du monde, avec l’humour radical et aristocratique des grands désespérés. Spontanéité, puissance de l’attaque, subtilité et délicatesse du touché, élégance, sens de l’équilibre, goût du jeu, du grand jeu : l’improvisation ? cet immense pianiste au style éminemment personnel, cet intellectuel raffiné, agitateur iconoclaste et subversif, compositeur dans le sens le plus théâtral qui soit de « metteur en son », fondateur de l’Instant Composer Pool (ICP), l’une des toutes premières coopératives de musiciens, fait partie de ces personnalités secrètes dont l’influence sur les orientations profondes du jazz contemporain est aussi considérable que souterraine. Disciple singulier d’Ellington, Monk et John Cage, Mengelberg est un des grands poètes du clavier, tous styles confondus. En duo comme ici, avec son complice, le percussionniste Han Bennink, ou au sein de diverses formules de l’ICP Orchestra, Mengelberg s’est en quelque vingt ans inventé l’un des univers les plus personnels et cohérents de la musique contemporaine. Qu’il revisite de façon corrosive et passionnée les univers de ses musiciens d’élection : Ellington, Monk et Herbie Nichols ; qu’il s’engage dans de longues suites solitaires, mettant en oeuvre toute sa virtuosité instrumentale ; qu’il s’affronte à l’épure du trio le plus classiquement jazz, jouant le jeu sans ironie ni fausse modestie ; ou s’aventure dans des rencontres inédites ? Mengelberg reste décidément l’un des musiciens les plus passionnants de notre époque.
Samedi 25 août
Jazz à Mulhouse, du 21 au 25 août
Renseignements
Tel : 03.89.45.63.95
email : jazz.a.mulhouse@wanadoo.fr
Site Web : www.jazz-mulhouse.org
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