Retour tonitruant pour le big boss du hip-hop mondial. Jay-Z met le business entre parenthèses pour un nouvel album explosif. “Je voulais prouver que j’en étais encore capable”, dit-il.
Vous vous demandiez peut-être encore il y a quelques semaines qui de Kanye West ou de Jay-Z était le vrai patron du hip-hop mondial ? Depuis que Kanye West s’est fait traiter de “crétin” par Barack Obama (pour avoir branché la pauvre Taylor Swift, 19 ans, sur la scène des MTV Video Music Award en estimant qu’elle méritait moins son trophée que Beyoncé), la réponse est simple : c’est Jay-Z, point à la ligne. C’est d’autant plus Jay-Z qu’au même moment, celui-ci déboule avec un nouvel album complètement dingue, The Blueprint 3, troisième volet de la série des Blueprint entamée, hum, le 11 septembre 2001. Pour fêter ça, Jay-Z (Monsieur Beyoncé dans le civil) est monté sur la scène du Madison Square Garden à New York, le 11 septembre dernier. Un énorme concert de retour, dont les vidéos YouTube ont circulé sur le net à toute vitesse, achevant le sacre du rappeur poids lourds de 40 ans (en décembre prochain).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
De passage à Londres en juillet, il avait accepté de parler de cet album. Il y a convoqué le gratin de la musique mondiale : Rihanna, Empire Of The Sun, MGMT, Alicia Keys, Pharrell Williams, le jeune premier Kid Cudi, mais aussi Kanye West et Timbaland à la production. C’est dans un studio d’enregistrement du quartier d’Hampstead qu’il fait écouter The Blueprint 3, assis sur une table, déroulant les morceaux un par un avec son iPod perso. Récemment élu parmi les dix personnes les plus influentes au monde par le magazine américain Forbes (notamment pour ses activités de big boss du label Roc Nation, au sein du géant Live Nation), Jay-Z redevient un gosse dans cette vieille bâtisse londonienne. Détendu, il bat la mesure les yeux dans le vide, kiffant gentiment son dernier album. Après nous avoir remerciés pour notre attention, un large sourire aux lèvres, rendez-vous est fixé le lendemain matin dans un palace de la ville, pour une rencontre en tête à tête.
Le jour de l’interview, c’est un Jay un peu chiffonné mais d’une courtoisie immense qui nous reçoit (les tabloïds du jour viennent de le montrer un peu fatigué à la sortie d’une boîte en compagnie de sa vieille pote Rihanna). L’homme est grand, beau, sobrement habillé. Tout en trempant un sachet de thé dans une tasse en porcelaine very british, il évoque avec envie The Blueprint 3. “C’est la première fois que je travaille aussi longtemps sur un album. J’ai supervisé la production des morceaux de A à Z. Je voulais que ce disque soit celui de mon retour et qu’en même temps il soit accessible à tous.” Dès l’intro, réalisée avec Luke Steele d’Empire Of The Sun, il se pose ainsi en mastodonte, met à l’amende les inconscients qui l’ont un peu cherché ces derniers temps (Nas, mais aussi le rappeur The Game, qui avait estimé que le gars Jay-Z avait “une tête de chameau”), mais n’oublie pas d’inviter l’univers entier à le rejoindre, pour rassurer le box-office. Car dans cette histoire, il est quand même question d’argent : Jay aime l’amitié mais le soir, c’est sur un matelas de dollars qu’il pose sa tête.
Après treize ans de carrière (son premier album, Reasonable Doubt, date de 1996), c’est donc un Jay géant et encore vert qui déboule derrière le micro. Et qui l’assume tout haut. “J’ai fait beaucoup de choses ces derniers temps, du business, beaucoup. Mais je dois avouer que le hip-hop me manquait. Quand je voyais Kanye West ou Lil Wayne se la rouler avec leurs nouveaux albums, j’avais envie d’être à leur place, d’en découdre. Je me suis dit, mon vieux, tu peux t’offrir ce petit plaisir.” Et la joie de recevoir est, avouons-le, immense.
On trouvera bien quelques grincheux pour regretter le Jay-Z d’avant, mais difficile de ne pas adhérer à ce disque très 2.0 dans l’esprit, qui compacte toute la musique du moment en une quinzaine de titres. “Personnellement, j’ai cessé de parler de genres musicaux depuis longtemps. Quand je rencontre les types de MGMT, je me rends compte que nous aimons la même musique, que nous n’avons plus aucun tabou. Les gens qui disent aujourd’hui “Je n’aime pas le rock ou je n’aime pas le rap” sont de vrais réactionnaires, des ringards.”
Symbiotique et ouvert, The Blueprint 3 est aussi le disque par lequel Jay-Z renoue avec New York, cette ville qu’il a mise en scène disque après disque, campé sur son personnage de méchant garçon repenti. “New York est une ville fantastique, j’avais envie de saisir à nouveau son énergie”, explique Jay-Z qui, avec Empire State of Mind, signe tout simplement le plus bel hommage à la Grosse Pomme depuis le bouleversant New York I Love You de LCD Soundsystem.
Œcuménique et new-yorkais, kéké juste ce qu’il faut (écoutez Off That, Hate, ou On to the Next One), ce nouveau Jay-Z brille aussi très paradoxalement par son unicité. A l’heure où l’on s’interroge sur la validité du format album, The Blueprint 3 est un disque avec un début, un milieu et une fin, qui raconte son auteur en 2009, avec une rare humilité. “J’avais tout simplement envie de prouver que j’étais encore capable de faire un album, comme avant”, conclura tranquillement Jay-Z. Et si, là où certains voient du bling, triomphait à l’inverse une certaine simplicité ?
The Blueprint 3 (Roc Nation/Warner)
{"type":"Banniere-Basse"}