Le cofondateur de Klaxons s’affirme en solo avec un premier album signé de son nom. Un acte d’émancipation raffiné et l’occasion d’une rencontre parisienne.
Etrange coïncidence que de rencontrer James Righton un 8 janvier. Car bien avant d’entamer sa deuxième journée promo, l’Anglais s’offrait une promenade matinale dans les rues de Paris, écouteurs dans les oreilles, jusqu’à ce que sa playlist aléatoire ne se mette à lancer Blackstar (2016) de David Bowie. Quatre ans jour pour jour après la sortie de l’album du même nom, qui correspond également avec la date d’anniversaire de l’icône regrettée, l’ancien membre de Klaxons avait fini par partager ce moment sur les réseaux sociaux, ne serait-ce que pour célébrer la mémoire de l’homme aux mille visages.
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“Sur le coup, je ne m’étais même pas rendu compte que nous étions le 8 janvier. Mais ce morceau est arrivé par surprise, et vu que ça faisait un moment que je ne l’avais pas écouté, je me le suis repris en pleine face, si bien qu’il a fallu que je l’affiche sur Instagram, se remémore Righton, quelques heures plus tard. Tout le monde aime Bowie. Il est toujours là, dans ma tête, et je pense que, comme beaucoup de musiciens, j’ai toujours essayé de lui ressembler un petit peu. D’une certaine manière, cette sensation pourrait faire écho à mon nouveau disque.”
Une période de transition après les années de gloire fluo
En ce mercredi 8 janvier 2020, un costume blanc trône dans le salon d’un hôtel du IXe arrondissement parisien. Sa teinte est si rayonnante qu’il attire tous les regards. Figure essentielle de The Performer, premier album solo signé James Righton, l’ensemble Gucci immaculé semble offrir une seconde vie à son propriétaire. A la manière d’un Bowie dissimulé sous les traits de Ziggy Stardust, le Londonien, marié à l’actrice Keira Knightley, enfile le costume de l’artiste pour s’affranchir de son quotidien et remonter sur scène en toute quiétude.
“Je suis devenu père depuis peu et ma vie de famille, qui occupe désormais 99 % de mon temps, n’a absolument rien à voir avec ce que je peux vivre sur scène. Cette contradiction me fascine, observe-t-il. Quand tu es musicien, tu dois souvent faire semblant, jouer avec les fantasmes ou les images, pour devenir quelqu’un et réussir à créer quelque chose. Tu as la chance de pouvoir te réinventer et les vêtements y participent. Ils sont dotés d’un étrange pouvoir, qui va même jusqu’à te donner confiance en toi.”
Après avoir vécu douloureusement les derniers instants de Klaxons, l’ancien chanteur et claviériste du groupe phare de la nu-rave se lançait en solo avec un premier album paru en 2017 sous l’appellation Shock Machine. Perçu par son auteur comme une période de transition suivant les années de gloire fluo, ce projet entrechoquait tout un arsenal de synthétiseurs pour donner vie à une pop édulcorée, toujours aussi haute en couleur. Passé ce coup d’essai, James Righton a aujourd’hui délaissé les nuances criardes.
Avec The Performer, il met fin à ses doutes jusqu’à assumer son propre patronyme. “Pendant les cinq dernières années d’existence de Klaxons, j’étais complètement brisé. J’avais perdu toute confiance en moi. Me reconstruire m’a pris du temps, confie-t-il. Sur Shock Machine, j’utilisais encore plein de subterfuges – synthés à outrance, réverb et autres effets en tout genre – qui faisaient en sorte de camoufler mes incertitudes. Il fallait que je vire tout ça, que j’arrête de me cacher. Sur ce nouvel album, je livre au contraire quelque chose de plus direct et honnête, tant dans les paroles que dans le son même du disque.”
Wurlitzer, cordes, guitares acoustiques et basses rondes
Influencé aussi bien par le tandem Vannier-Gainsbourg que par Roxy Music, l’ex-Klaxons s’éloigne de son passé synthétique pour faire entendre sa voix sans artifices. Avec l’aide de Sean O’Hagan, invité à superviser certains arrangements de cordes, le trentenaire s’ouvre alors à la pop orchestrale et épurée de la fin des années 1960. Il se fait le héraut de ses réflexions intimes, dédie certaines paroles à sa fille (Edie) et met en mots tant son dilemme existentiel (The Performer) que ses observations à résonance politique (Devil Is Loose au psychédélisme subtil, Heavy Heart et son orchestration délicate).
Présence de l’inséparable James Ford oblige, les neuf morceaux partagent une certaine connivence rétro avec l’œuvre des protégés du producteur anglais, The Last Shadow Puppets et Arctic Monkeys en tête. Entre Wurlitzer, cordes, guitares acoustiques et surtout basses rondes et batteries aux tessitures si caractéristiques des sixties, James Righton s’empare lui aussi des parfaits attributs d’une pop fantasmée par Alex Turner et sa bande.
Pour l’anecdote, Righton avait justement prêté main-forte à la clique de Sheffield lors de l’enregistrement de Tranquility Base Hotel + Casino (2018), peu de temps après avoir bouclé The Performer, qui mettra plusieurs mois à être mixé puis masterisé par les frères Dewaele de Soulwax. “Je ne crois pas qu’il y ait eu d’influences réciproques entre ces deux projets, mais le fait que James Ford ait toujours été derrière a dû forcément jouer. C’est notre père à tous au final, s’amuse-t-il.
“James, Alex et moi écoutons les mêmes choses : Melody Nelson, les disques d’Air ou de Harry Nilsson… Nous gravitons tous autour de ces sonorités et de ces mêmes instruments, et je pense qu’avec l’âge nous aspirons plus à faire des chansons épurées. Selon moi, un album solo doit forcément dire quelque chose, quelque chose qui vienne du cœur. Ça ne peut pas être conceptuel.” Sous le costume, la transition est bel et bien terminée.
Album The Performer (Dewee/PIAS), sortie le 20 mars
Concert Le 7 mars, Paris (Les Inrocks Festival, La Gaîté Lyrique)
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