Récit du concert du 15 septembre des Jayhawks au Trabendo de Paris. Où il est question du passé et surtout, du futur.
Hier soir je suis allé voir les Jayhawks au Trabendo a Paris. Les Jayhawks sont un groupe de folk-rock forme il y a plus de 15 ans a Minneapolis. Ce n’est pas le plus grand groupe de la terre, mais plutôt une sorte d’étalon : quand on aime la musique, on aime les Jayhawks.
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Leurs chansons sont si jolies, elles contiennent tant de Byrds, de CSNY ou de Big Star, elles sentent tellement la bonne terre et les larmes, qu’il est difficile d’y résister sans l’appui d’une solide mauvaise foi.
Pourtant hier soir, nous étions a peine deux cents. Et sur ces deux cents, combien de moins de vingt-cinq ans ? Une dizaine peut-être. Le public : un assemblage hétéroclite a majorité d’hommes entre deux ages, vieux passionnes de musique et peu soucieux de leur personne. Un jour sans doute ils ont été jeunes et peut-être portaient-ils alors des boots noires comme Dylan.
Mais maintenant il n’y a plus que la musique qui compte… Le look, qu’est-ce que ça veut dire quand tu as gagne en poids ce que tu as perdu en cheveux et que de toute façon personne ne fait attention a toi quand tu fais tes courses au Shopi ? Malgré quelques approximations, le concert était magnifique.
Pourtant rapidement, j’ai perdu un peu le fil de ce que j’écoutais. J’étais absorbe, ému, par le spectacle de ces dinosaures assembles autour d’un « bon vieux groupe de rock’n’roll comme on n’en fait plus ». Comme on n’en fera bientôt plus. Car plutôt que de se battre contre les pirates du net, les responsables de maisons de disque auraient du venir hier au Trabendo. Ils auraient tout compris. Pourquoi ils ne vendent plus de disques et pourquoi ça ne s’arrangera pas.
Le drame, ce n’est pas les deux cents qui étaient là, mais les centaines qui n’y étaient pas. Les centaines qui ne connaissent pas, que ça n’intéresse pas, qui ne prendraient de toute façon pas le temps d’écouter et d’apprécier, qui n’en ont rien a foutre. Et donc qui ne dépenseront jamais un centime pour ça.
Les Jayhawks sont un étalon : si on n’aime pas les Jayhawks, on n’aime pas la musique. Ou du moins la musique telle qu’elle se fait et se vend depuis 40 ans. Le public de cette musique-la vieillit. Bientôt il ne sera plus rentable pour les Jayhawks de venir tourner en Europe.
Puis il ne sera plus rentable d’y distribuer leurs albums. Puis tout simplement de signer des groupes comme les Jayhawks.
Bien sur, tout ne disparaîtra pas complètement. Il y aura toujours une écume plus ou moins rock, plus ou moins rap, plus ou moins bruyante, plus ou moins électronique, suivant les années et les modes.
On chargera des groupes éphémères (qui pourront être par ailleurs sincères ou talentueux, peu importe) de renouveler le papier-peint sonore de la vie et de remplir l’immense réservoir a tubes et a icônes que réclamera toujours la jeunesse.
Mais la passion, la culture et la conscience de ce que quatre mecs avec des guitares ça avait un jour pu vouloir dire se réfugieront comme déjà le jazz ou le blues dans un espèce d’underground, avec ses réseaux, ses revues, ses vieux Oncle Paul érudits et ses jeunes un peu étranges dont personne ne comprendra la passion pour cette forme musicale populaire et primitive de la fin du XXème siècle.
L’année dernière 600 magasins de disques ont ferme aux Etats-Unis.
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