Même lorsqu’elle vous attend au bar d’un snack appelé Family Sandwich – pour cause de retard de votre part forcément inexcusable -, Helena Noguerra est sublime. Elle termine son café, hop, et on se dirige vers la Fondation Cartier et l’expo de l’artiste australien Ron Mueck, où elle a souhaité nous emmener. C’est un couple […]
Même lorsqu’elle vous attend au bar d’un snack appelé Family Sandwich – pour cause de retard de votre part forcément inexcusable -, Helena Noguerra est sublime. Elle termine son café, hop, et on se dirige vers la Fondation Cartier et l’expo de l’artiste australien Ron Mueck, où elle a souhaité nous emmener. C’est un couple de vacanciers gigantesque et sculpté au détail près qui nous attend sous un parasol, en maillot de bain.
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« Regarde les pieds, et les mains. C’est dingue. Si on se laisse aller, on a vraiment l’impression de voir des vrais gens sauf qu’ils sont trop grands. Pourquoi ça nous fascine de voir des gens comme nous mais en plus grand? J’avoue que je ne comprend pas. Viens, on va voir leur dos. »
Lors de notre déplacement autour du couple de baigneurs, une dame fait tomber son prospectus sans s’en apercevoir. Helena Noguerra le ramasse : la dame ne bouge pas, et elle finit par le lui coller entre son sac et la lanière de ce dernier. Aucune réaction, la visiteuse est aussi immobile qu’une création de Mueck. Helena Noguerra : « C’est dingue, on dirait que cette dame est anesthésiée. J’aurais pu lui prendre son portefeuille. » On lui répond qu’elle est probablement allemande et très rigide. Nous voilà derrière le couple. « Oh ! regarde, sous le caleçon de bain, ils lui ont même fait un petit slip. Et le pli du coude aussi. »
Direction le sous-sol. « J’aimerais bien un mari comme ça, mais taille normale, que je pourrais utiliser comme je veux. Les Japonais font des trucs comme ça. » Escalier. « C’est mon père qui m’a parlé de cette expo. Il m’a parlé d’une petite statue qui représente le père de l’artiste. C’est celle-là que je veux voir. On prendra un petit catalogue à la fin, tiens, on n’oubliera pas. Même si je m’en fous d’avoir toutes les informations. » Devant nous, une tête posée sur un socle. Puis un jeune Noir dont le ventre a été touché par un couteau, un homme couché sur un truc gonflable, et un autre, nu dans un bateau, qui ressemble à Michel Houellebecq. « Dans mon disque, il y a une chanson qui s’appelle Michèle et Michèle, c’est sur lui. »
Année zéro, son nouvel album, est attendu pour la rentrée. Mais pas de traces de la petite personne qui représente le père de Mueck. On s’adresse à une jeune guide à l’accent italien qui nous apprend que cette statue ne fait pas partie de l’expo. Petite déception chez Helena Noguerra : « On voulait tout voir, nous. » Direction un film qui montre Mueck au travail, Still Life. On s’adosse au mur, à côté d’elle. « Je me demande à quoi il pense quand il travaille. Sa femme, la vie, la mort, l’amour ? » On sort un peu du film, on parle à voix basse de Lisbonne où elle aimerait vivre, des enfants qui ne le sont plus, de la vodka-tonic, de comment elle voudrait « arrêter » de suivre cette trajectoire pleine de grâce qu’elle trace avec ses rôles, ses courts métrages, ses disques, ses livres ? Elle chuchote : « Je me demande toujours comment faire pour ne pas faire. Ça vient d’une peur, je crois, donc j’occupe l’espace à ma façon. Mais sans doute que si j’avais fait un disque qui vendait des tonnes, je serais campagnarde et je reviendrais tous les dix ans. » Le film touche à sa fin, on passe une dernière fois devant les personnages de Ron Mueck pour sortir de la Fondation. Helena Noguerra nous laisse, la matinée fut délicieuse. Le lendemain, on se rendra compte qu’on a oublié le catalogue.
album Année zéro (Naïve), le 26 août ; des vidéos sont à découvrir sur www.helenanoguerra.fr
Pierre Siankowski
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