On arrive aux abords de la butte Montmartre à l’heure du thé, le précieux sésame à la main. Six étages plus haut, Wagner nous ouvre, jovial, et nous fait passer au salon. Une belle pièce claire, meublée avec goût. Aucun disque apparent. Seule s’échappe du Mac posé en équilibre la voix traînante et magnétique de […]
On arrive aux abords de la butte Montmartre à l’heure du thé, le précieux sésame à la main. Six étages plus haut, Wagner nous ouvre, jovial, et nous fait passer au salon. Une belle pièce claire, meublée avec goût. Aucun disque apparent. Seule s’échappe du Mac posé en équilibre la voix traînante et magnétique de Lee Hazlewood. “Elle a l’air parfaite cette galette. Faut la faire réchauffer ? Notre four n’est pas terrible. Combien de temps ? Qu’est-ce que je te sers ? Thé ? Café ?” Marie, la compagne de Yan, qui réalise les vidéos projetées pendant ses concerts, nous sert un thé. On papote de tout, de rien, de la sortie du prochain Depeche Mode, qui l’excite davantage que celle du Arcade Fire produit par James Murphy. On revient sur son DJ set, épique et plutôt à l’arrache, la veille au Quartier Général, un bar de poche un peu décrépi de la rue Oberkampf. Wagner était la tête d’affiche de la Kidnapping, une boum queer mensuelle electro totalement déjantée, ponctuée par les lancers de jambon intempestifs de son organisatrice, Big Morello.
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Angulaire, géométrique, traçant des lignes entre standards des années 80 (Grauzone, Depeche Mode, Daho), electro plus contemporaine et minitubes maison, son set s’écoutait comme un parfait concentré de son univers, découvert avec son premier album Forty Eight Hours, un des meilleurs disques de 2012 côté français. “En ce moment, je travaille sur le live, continue Wagner en enchaînant les allers-retours dans la cuisine. Nous sommes trois, une formation totalement électronique. Du coup, je peux me concentrer sur le chant, l’album respire davantage.” Reste à mettre au point la scénographie. “Jusqu’alors, nous projetions des vidéos mais on n’est pas contents du résultat. On ne veut vraiment pas que l’image soit un cache-misère, mais qu’elle corresponde au contraire le plus possible aux images que j’ai dans la tête. Quand j’écris, je vois toujours des images. Là, Marie travaille sur l’idée de tableaux mouvants qui s’allument et s’éteignent, chaque tableau correspondant à une chanson.”
Tout juste sortie du four, la galette trône fièrement sur la table. “On fait le truc avec le torchon ?” Devant nos mines perplexes, Yan explique : “Tu la recouvres et au-dessus de chaque part tu demandes ‘c’est pour qui ?’ C’est pour pas tricher !” Marie explique que dans sa famille, le plus petit passe sous la table. On décide de s’abstenir. Je croque à pleines dents dans la fève alors que Yan me parle de Changed, son nouveau single qui sort ces jours-ci. “J’avais envie de parler de changement, de gentrification. Quand je vivais à Brooklyn, beaucoup de gens me disaient : ‘c’était mieux avant’. On entend la même chose à Paris. Je trouve ce fantasme de la ville agaçant. Tout l’intérêt des grandes villes réside dans leur mutation.”
Couronne sur la tête, je le lance sur le mariage gay, qu’il a soutenu avec d’autres musiciens électroniques en posant un morceau sur le tumblr Fight For Your Right To Marry initié par Benoît Rousseau, de la Gaîté Lyrique. “Ça n’est ni un problème, ni une menace. Nous sommes en retard. Il y a une situation qui existe, que l’on ne peut pas ignorer. Il y a beaucoup d’enfants qui sont dans un vide juridique. Je suis aussi pour le droit de vote des étrangers. Mon père est américain, il vit en France depuis 1974 et ne peut toujours pas voter, je ne trouve pas ça normal. J’ai voté pour Hollande contre Sarkozy mais surtout pour les changements sociétaux. Je pensais que ça serait réglé dans les trois mois. Mais je reste confiant, je suis sûr que la loi va passer.” 17 h 30, Yan me raccompagne, ma couronne sur la tête. Le temps file vite chez les Wagner.
concert : le 22 mars à Paris (Nouveau Casino) et en tournée dans toute la France.
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