« D’une manière inexplicable, je ne suis pas malheureuse. C’est un jour de joie, pas un jour de tristesse. Sa mort l’a délivré de la douleur. Je crois que pour lui, la mort est comme une nouvelle journée, une belle journée. Car Arthur était un voyageur.” Dans l’église Saint-Rémi de Charleville-Mézières, Patti Smith est heureuse. Veste […]
« D’une manière inexplicable, je ne suis pas malheureuse. C’est un jour de joie, pas un jour de tristesse. Sa mort l’a délivré de la douleur. Je crois que pour lui, la mort est comme une nouvelle journée, une belle journée. Car Arthur était un voyageur.”
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Dans l’église Saint-Rémi de Charleville-Mézières, Patti Smith est heureuse. Veste noire, rangers pacifiques aux pieds, déglinguée sans en avoir l’air, à 64 ans, la chanteuse américaine semble apaisée.
“C’est un grand bonheur d’être parmi vous aujourd’hui, merci de me recevoir”, lance-t-elle d’une voix doucereuse à un public venue voir en vrai l’icône punk-rock des années 70.
Ce jeudi 10 novembre, on a suivi l’interprète de Because the Night, en déplacement dans la ville natale de Jean-Nicolas Arthur Rimbaud. Objectif : célébrer les 120 ans de la disparition du poète, source d’inspiration inépuisable pour elle, la fan absolue. Elle a donc fait les choses en grand. Au programme : performance à l’église, réception au musée et concert au théâtre. A 16 heures, à quelques pas de la place Ducale, copie quasi conforme de la place des Vosges, Patti Smith allume un cierge puis retrouve le pupitre préparé pour l’occasion.
“Je connais Arthur depuis toujours, lance-t-elle, mystique. Je m’imagine dans cette église le jour de sa communion, et je le vois en colère. Je peux imaginer le jeune homme dans toute sa grâce. Il n’était peut-être pas parfait, mais qui l’est ? Et puis sa poésie l’était, et je remercie Dieu pour ça”, s’exclame l’ancienne compagne de Robert Mapplethorpe, les bras levés au ciel.
Portée par la célébration, galvanisée, Patti apparaît en grande forme, déclamant textes, poèmes et chansons en l’honneur du génie littéraire. Une heure plus tard, direction le musée Rimbaud. Photos de l’auteur, oeuvres d’art, ustensiles en tout genre, hommages venus d’ici et d’ailleurs : à l’intérieur, l’expression poétique est à son paroxysme. “Arthur incarne le changement”, rappelle la chanteuse, comme amoureuse transie d’un homme né en 1854, le 20 octobre. Photographe à ses heures, elle offre des clichés pris à Charleville-Mézières, avant de recevoir le titre de marraine du musée, décerné par la mairie à l’occasion de son passage dans les Ardennes. Une médaille à la saveur particulière.
“Je suis venue ici pour la première fois en 1973”, confie-t-elle, alors. A l’époque, encore inconnue du grand public, recroquevillée dans un coin, elle dessine un portrait de son idole qui deviendra vingt ans plus tard l’une des pièces les plus prestigieuses de la collection.
“Ce bâtiment m’est cher, et je sais qu’il va être rénové. A ce propos, il ne faut pas oublier que Rimbaud était un visionnaire, passionné par le futur. Il faudra en tenir compte.”
De la poésie à la chanson, il n’y a qu’un pas. Le soir venu, Patti Smith joue au Théâtre de Charleville, à guichets fermés. Là encore, l’émotion est grande, et le clin d’oeil à son amant, lui, un peu plus prononcé. “Je suis allée me recueillir sur la tombe d’Arthur aujourd’hui. Un jeune homme qui passait par là m’a demandé un baiser.” On n’en saura pas plus.
Romain Lejeune (texte et photo)
Album: Outside Society (Sony)
Concerts: les 21 et 22 novembre à Paris (Olympia)
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