Au pays mercantile et merveilleux des Galeries Lafayette à Paris, il existe une petite boîte blanche : soit un espace consacré à l’art contemporain. Et à l’intérieur de cette boîte, il existe Philippe Katerine, multi-artiste (“artiste total, ça sonne trop wagnérien pour moi”), chanteur-performeur-vidéaste-etnudiste-à-ses-heures, en train de préparer jovialement sa toute première exposition. Il […]
Au pays mercantile et merveilleux des Galeries Lafayette à Paris, il existe une petite boîte blanche : soit un espace consacré à l’art contemporain. Et à l’intérieur de cette boîte, il existe Philippe Katerine, multi-artiste (« artiste total, ça sonne trop wagnérien pour moi »), chanteur-performeur-vidéaste-etnudiste-à-ses-heures, en train de préparer jovialement sa toute première exposition.
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Il débarque avec un look d’étudiant des Beaux-Arts à l’ancienne, sourire en coin et carton à dessins sous le bras : « Ce sont mes oeuvres… toute ma vie est là », dit-il d’un air d’académicien avant d’évoquer ses trois années passées à la fac d’arts plastiques de Rennes.
« Je ne fais aucune hiérarchie entre mes diverses pratiques, entre un disque, un film ou cette exposition. Comme je n’ai aucune virtuosité particulière, je ne suis pas plus musicien que dessinateur. »
Dans l’espace reconfiguré de la Galerie des Galeries, Katerine va accrocher des dessins, des photos, des Post-it, des aquarelles faites dans la rue, et jusqu’à une sculpture-fontaine dégoulinant d’objets divers : « C’est mon autoportrait, mais aussi un hommage à Kanye West, cet immense artiste de droite. » Donc l’art contemporain, ça vous intéresse monsieur Katerine ? « Excessivement. » Des expos vues récemment ? « Philippe Ramette à la galerie Xippas, Cyprien Gaillard au Centre Pompidou. » Vous avez aimé ? « Excessivement. »
En sa compagnie amusée, on s’offre un minitour des Galeries Lafayette. « Quel endroit merveilleux ! Mes parents m’y ont emmené à 12 ans, la première fois que j’allais à Paris, et ça m’a marqué, plus que le Louvre. C’est très excitant d’exposer dans un lieu de commerce. Si un musée m’avait invité, j’aurais reculé, par crainte de passer pour un usurpateur. Mais ici, c’est un terrain de jeu. » Sauf qu’on traverse le rayon parfumerie : « Ça doit être dur de travailler là. Tous ces parfums : cancer assuré. Je n’y connais rien, mais tu peux me croire. » A l’étage, séance de pose devant la glace au milieu de robes multicolores pour vieilles dames huppées.
« Ça va bien avec ma chemise à fleurs. C’est un gentil cadeau, non ? Mais ces tissus acryliques des années 70 sont difficiles à porter, ça gratte, ça chauffe… Tout le monde croit que j’aime ça, mais pas du tout : je n’aime pas avoir mal. »
De retour dans l’exposition, on reste interloqué par une étrange série de dessins en diptyque consacrée à des hommes et femmes politiques de droite. On voit Brice Hortefeux écrire son journal intime, Rachida Dati regarder un perroquet, François Fillon jouer à la pétanque, etc.
Mais dans le dessin suivant, les politiques se sont volatilisés, sans explication : « La disparition me fascine : que se passe-t-il si ces gens s’évaporent d’un coup ? Ça change complètement le paysage. J’aime les énigmes. Avant je détestais Magritte, mais j’ai compris qu’il faisait des énigmes, pour que nous soyons les détectives de nos propres vies. »
D’où vient cette idée ? « De mes rêves. Je suis victime d’hallucinations, j’apprécie leur visite. Mais depuis que j’ai été nommé chevalier des Arts et des Lettres sous le gouvernement Sarkozy en juillet 2011, je développe une grande paranoïa de droite. » A l’image de cette série de photos de son appartement où un ballon bleu circule entre les meubles : « Comme si un kyste UMP se promenait dans mon cerveau. » Comme c’est bizarre : on le sent pousser nous aussi.
Comme un ananas jusqu’au 2 juin à la Galerie des Galeries, Galeries Lafayette, Paris IXe.
Monographie publiée chez Denoël, 18 euros
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