La dernière fois qu’on avait accompagné Étienne Daho en studio, c’était en 1999 et c’était déjà aux prestigieux studios londoniens d’Abbey Road, où il enregistrait les cordes en rafales de son album Corps et Armes. Étienne Daho avait fini la journée en larmes, mélange d’émotion et de tension, lors d’une des envolées symphoniques qui illuminaient […]
La dernière fois qu’on avait accompagné Étienne Daho en studio, c’était en 1999 et c’était déjà aux prestigieux studios londoniens d’Abbey Road, où il enregistrait les cordes en rafales de son album Corps et Armes. Étienne Daho avait fini la journée en larmes, mélange d’émotion et de tension, lors d’une des envolées symphoniques qui illuminaient alors Le Brasier.
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On le retrouve en ce début 2013 à Abbey Road, pareillement en larmes, mais pour des raisons totalement différentes : c’est son anniversaire et la vaste formation à cordes, sans crier gare, entre deux prises, vient de lui jouer « Happy birthday to you… » L’Étienne Daho de 2013 n’a rien à voir – si ce n’est son éternelle marinière de Breton têtu – avec celui de 1999 : serein face à ses chansons, visiblement épanoui, il accompagne désormais chaque prise de cordes avec énergie, excitation. C’est son cadeau d’anniversaire : trente musiciens sous la direction de Sally Herbert (Florence & The Machine, Radiohead…) dans le studio 2 d’Abbey Road, celui-là même où enregistrèrent les Beatles. « Les panneaux acoustiques sur les murs, l’horloge : plein de choses sont restées en place depuis les sixties », raconte le fidèle Jean-Louis Piérot, déjà en poste sur Corps et Armes, mais aujourd’hui – et la différence est énorme – venu sans l’autre moitié des Valentins, Édith Fambuena. « Même si je le connais depuis vingt-cinq ans, s’amuse Daho, j’ai eu l’impression de le découvrir sur l’enregistrement de cet album. J’ignorais par exemple qu’il était un aussi bon guitariste. »
Un guitariste qui voyage avec ses guitares : il cherche à les rapatrier sur Paris, ce qui rend Étienne Daho soudain mélancolique : « Ça signifie la fin de cet enregistrement. J’aurais bien aimé qu’il dure un an de plus. Là, je vais entrer en dépression ! » Profitant d’une pause syndicale de ses musiciens d’un jour – « Je rêve depuis un an et demi d’entendre de vraies cordes remplacer les samples des maquettes » -, il dit sa fierté amusée d’avoir signé avec Polydor. Car ce collectionneur de disques se souvient de ce logo, au dos de la pochette de deux albums fondamentaux pour lui : le premier Stinky Toys – qui, en 1977, poussa le jeune Rennais à l’action – et le premier Velvet Underground, surtout, « un album sur lequel je me suis entièrement construit. Je lui dois tout. Impossible de faire du rock après ça… C’est pour ça que j’ai préféré faire Week-end à Rome ! » Il conserve pourtant un souvenir très mitigé de la reformation du Velvet, vue en première partie de U2 : « Quand ils ont joué I’m Waiting for the Man, devant moi, un couple a dit : ‘Oh, c’est la chanson de Vanessa Paradis !’ Je suis parti. » Par contre, il évoque avec enthousiasme la récente reformation des Beach Boys, qu’il est allé voir à Rome, puis à Londres. « C’est comme si j’avais pris de l’acide ! »
L’enregistrement de son nouvel album a démarré à Paris il y a un an et demi. Les maquettes, qui incluent une chanson carabinée de Dominique A, impressionnent par leur ampleur, leur densité. Des chansons très cinématographiques, servies par des arrangements en lignes brisées qui évoquent souvent John Barry. La voix aussi a changé : plus affirmée, plus épaisse, plus autoritaire, refusant les joliesses et les mots cachés pour une écriture nerveuse, sanguine, viscérale. « Le déclic, ça a été l’enregistrement du Condamné à mort avec Jeanne Moreau, l’écriture de Jean Genet a forcément bouleversé mes habitudes. Elle a enrichi ma pop. »
Ce douzième album en trente-deux ans sortira en fin d’année et sera suivi, en janvier 2014, d’une exceptionnelle série de concerts qu’Étienne Daho organisera à La Villette, en compagnie de ses héritiers. « L’occasion de redorer le blason d’une pop à la française, après des années pendant lesquelles tout le monde a cru à l’anglais première langue. » Ce qui n’empêche pas Daho de vivre depuis huit mois à Londres – il y adore l’anonymat des supermarchés et du métro. « Ici, je peux être dans la vie alors qu’à Paris, j’étouffais, dit-il, avant de sourire. Mais je tiens à payer mes impôts en France, je ne vais pas jouer à l’exilé fiscal ! »
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