A deux pas de la station Jaurès, on a tout de suite aperçu le lieu de rendez-vous. A cause des triporteurs garés devant. Sauf qu’au lieu d’y mettre des enfants blonds dedans, comme à Amsterdam, ici, on les remplit de petites marmites en métal pour livrer, à l’heure du déj, une bonne partie de l’Est […]
A deux pas de la station Jaurès, on a tout de suite aperçu le lieu de rendez-vous. A cause des triporteurs garés devant. Sauf qu’au lieu d’y mettre des enfants blonds dedans, comme à Amsterdam, ici, on les remplit de petites marmites en métal pour livrer, à l’heure du déj, une bonne partie de l’Est parisien en victuailles, végétariennes ou pas, bio ou pas, mais toujours issues de terres pas trop éloignées. Autant dire qu’aux Marmites volantes (c’est comme ça que ça s’appelle), la fraise bio qui a fait 5 000 kilomètres pour arriver, c’est niet ! C’est pour ça qu’Emily Loizeau a voulu qu’on vienne ici.
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« C’est bien beau d’être bobo et de faire ses courses dans des supermarchés bio (là, on ne s’est pas du tout senti concerné), mais se jeter sur n’importe quoi du moment que c’est estampillé bio, ça ne veut rien dire. »
Les labels, les cases, Emily a toujours détesté ça de toute façon. Pour les autres comme pour elle. D’ailleurs, elle a rarement utilisé sa notoriété de chanteuse pour défendre une cause. « Je suis complexe, je veux pouvoir changer d’avis sur les choses. » Pourtant, côté engagement, il y avait de quoi faire dans la famille. « On a été élevées ma soeur et moi par un papa extrêmement militant et une maman également très concernée par ces choses-là. »
Quand, en 1996, Emily manifeste pour les sans-papiers de Saint-Bernard avec son père, Manon, la sister, couronnée depuis par le prix Albert-Londres, se fait connaître avec un documentaire sur les enfants de Tchernobyl. « Hyperadmirative », la cadette la décrit comme une journaliste « pas forcément excitée par le front de guerre mais toujours sur les lieux où il y a une faille, une injustice dont il faut parler ».
Son truc du moment à elle, c’est l’écologie. Plutôt verte, elle a voté pour Mélenchon au premier tour, « pour qu’en arrivant au pouvoir, Hollande réalise qu’il fallait mettre la barre à gauche ». Depuis son élection, elle lui a d’ailleurs écrit. Une lettre au sujet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (elle est contre, bien sûr), à laquelle il n’a pas répondu. Il a tort. Quand elle en parle – comme du gaz de schiste et du quinquennat de Nicolas Sarkozy – il y a quelque chose de vif chez Emily Loizeau, un truc qui prend en intensité, comme ça, très loin de sa silhouette frêle et de sa voix poétique. Elle dit simplement : « Je suis vigilante », mais agite plus les bras que sur d’autres sujets. On se demande alors si c’est elle qui sent les huiles essentielles ou si c’est le thé qu’on est en train de boire (tellement on est peace).
Son exil dans les Cévennes, « dans un petit hameau, à côté d’un petit village, à quelques kilomètres d’une petite ville, où il y a une petite gare », précise-t-elle en riant, a accéléré les choses. « Le fait de poser mes valises là-bas a éveillé ma conscience », poursuit cette Parisienne de souche. Dans ce pays sauvage, elle vient de vivre deux ans et y a enregistré son dernier album, Mothers & Tygers. Dans le décor, pur jus. Sous un arbre, dans une ancienne magnanerie (là où on élevait les vers à soie), ou dans le vide, entre la forêt et les prés:V
‘Vu l’état de l’industrie musicale, faire ça, c’est une manière de s’autonomiser. Quand on n’aura plus de maisons de disques et plus de studios à disposition, il faudra bien se débrouiller pour enregistrer. »
En attendant que tout aille mal, ça va bien. Emily Loizeau est en pleine tournée et de passage à Paris pour son concert au Trianon, le 2 avril, avant la Suisse, Bagneux, Albertville et tout un périple qui l’amènera, en mai, à son Slow Tour cévenol « sans pétrole et sans électricité ». Acoustique, allumée à la bougie, avec des marches sous les étoiles pour aller d’un lieu de concert à l’autre.
Sinon, entre deux déplacements, elle a tourné dans le clip 2 minutes pour la Syrie et prépare un hommage à Jacques Demy et Michel Legrand pour les Francofolies. Malgré tout, cette fille, tellement mobile qu’elle ne peut même pas se faire livrer un panier bio par une Amap (c’est ballot), s’inquiète : « J’ai peur du ronron. » Drôle pour un bulldozer (au colza, bien sûr).
concerts le 12 avril à Bagneux, Slow Tour du 2 au 5 mai, le 8 à Val-de-Reuil, le 11 à Caluire-et-Cuire, le 29 à Saint-Etienne…
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