Trois ans après « Howlin », le trio est en train de boucler son nouvel album. Rencontre et interview avec le groupe qui promet un été bouillant.
Personne n’a oublié Howlin, le premier album de Jagwar Ma qui avait animé tout l’été 2013. Un disque totalement schizophrène, cocktail de plage alternant pop, psyché et beats électro. Depuis l’année dernière, le groupe australien s’est remis au travail pour concocter de nouveaux titres dans un laboratoire nomade, entre un village perdu de la Loire et les cocotiers de bord de mer à Sydney. Au cœur de cette période créative, le trio a fait une petite pause pour participer à la tournée européenne de Tame Impala. Et on a profité de son passage au Zénith de Paris pour rencontrer le chanteur Gabriel Winterfield et le producteur Jono Mo. Cool occasion de découvrir les coulisses de ce nouveau disque préparé dans le plus grand secret puisque qu’aucun journaliste ne s’était approché du groupe depuis presque deux ans.
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Votre nouvel album est-il terminé ou vos concerts avec Tame Impala servent à peaufiner les derniers réglages ?
Jono Ma : On est plutôt dans la deuxième situation… Juste avant que tu ne rentres dans la loge, nous étions en train de parler des arrangements des chansons du nouvel album. Sur cette tournée, on peut déjà jouer certains de titres mais tout n’est pas encore prêt. Il y en a qui sont bien plus développés que d’autres. Nous allons bientôt en dévoiler quelques extraits. Il y a certains titres que l’on expérimente encore sur scène pour voir comment on les sent pour ensuite faire la dernière modification décisive en studio.
Gabriel Winterfield : Mais on n’a pas encore tant de choses à faire que cela. On est bien au delà de la moitié du boulot, je dirais que nous sommes aux derniers 10%.
Êtes-vous trop perfectionnistes pour oser y mettre un point final ?
Gabriel : Le problème c’est que dire que quelque chose est terminé est toujours très relatif à mon avis… Pour nous en tout cas, souvent, les derniers détails a soigner demandent plus de temps que les bases de la chanson en elle-même. C’est comme la peinture : on débute en brossant large avec un grand coup de pinceau, puis on prend le temps d’y ajouter toujours plus de détails.
Jono : On trouve toujours des choses à rajouter à ce qu’on a produit en premier lieu parce que nous ne sommes jamais totalement satisfaits du rendu final. Enfin, du moins jusqu’au moment ou le label va nous dire stop et que l’on va passer à la phase suivante (rires). Par exemple : on a changé des trucs pour le concert à Paris en fonction de ce qu’il s’est passé sur scène la veille. Et l’avant-veille c’était pareil.
Comment organisez-vous la création du disque avec Jack Freeman, le troisième membre du trio ?
Jono : Le processus créatif est assez différent pour chaque chanson. Le seul vrai point commun dans les composantes de ce processus, c’est que je produis la plupart des sons. Et c’est quelque chose dont je suis assez content ! C’est cool de se dire qu’on est un groupe presque entièrement auto-produit. Nous travaillons actuellement avec quelques collaborateurs (tenus secrets ndlr) notamment pour nous aider avec l’enregistrement et la production des sons de batterie, étant donné qu’il y en a énormément sur le prochain disque. Quand on débute une chanson construite autour d’une boîte à rythmes avec des samples de batterie, ona parfois besoin de ressentir une sensation plus humaine en accord avec les mélodies et la voix. On a fait pas mal de live de cette façon qu’on a ensuite samplé dans nos machines.
Pour Howlin’, vous aviez voyagé entre différents studios en Europe ou en Australie. L’histoire s’est-elle répétée pour ce nouveau disque ?
Jono : Oui, nous avons principalement bossé les nouvelles chansons en France. Nous avons passé quatre ou cinq mois dans la vallée de la Loire, dans le studio qui avait servi pou l’enregistrement d’Howlin’. Puis nous sommes aussi allés en studio à Londres, où nous sommes officiellement basés aujourd’hui, et un peu chez nous, en Australie.
D’où vous vient ce besoin de vous balader entre ces trois pays ?
Gabriel : Tout ce côté français est définitivement… (il hésite) majeur dans notre processus créatif. Je veux dire que nous sommes tous francophiles, nous aimons la gastronomie, la culture, le pays, les gens. On essaye de cerner un nouveau langage et on a l’impression que cela crée une petite île sur laquelle on se sent isolé du monde. Et cela permet de nous évader en même temps donc c’est vraiment cool. On aime également être à Londres, qui propose une ambiance totalement opposée : c’est une ville haletante et déroutante, qui nous permet d’être au contact d’une ruche de gens de toutes sortes avec lesquels on peut communiquer plus directement. L’Australie est aussi un environnement en tant que tel, avec la plage. Quelque chose d’important pour nous !
Jono : C’est surtout l’aspect pratique de tous ces lieux qui justifie ces voyages. Nous venons de Sydney, nous avons un studio là-bas. Mais avec des amis nous avons installé un autre studio ici en France, un peu au hasard. Ce n’était pas vraiment un choix, mais nous avions une opportunité de le faire à cet endroit précis dans la Loire. On a eu la chance de trouver des studios dans les endroits où ma vie nous a arrêté. En fait, si nous sommes sensiblement restés dans les mêmes studios que pour Howlin’, ce qui a vraiment changé depuis, c’est notre état d’esprit.
Parce que Howlin’ a eu une reconnaissance que vous n’attendiez pas ?
Jono : Je dirais surtout que quand nous avons fait Howlin’, nous n’avions encore jamais vraiment joué en live à trois devant des gens. C’était quelque chose qui sortait tout droit du studio. Alors que cette fois ci, se remettre à la création après deux ans de tournée non-stop a sûrement eu un effet sur notre manière d’approcher la musique.
Gabriel : Je pense que cela a demandé un peu de méditation de se lancer sur un second disque, tout en repoussant certains fantômes, mais finalement nous sommes arrivés à une conclusion assez forte de tout ce que nous souhaitions faire. Il y a toujours une sorte de pression dans ces moments là en tant que musicien, le tout est de savoir gérer ça et de ne pas perdre les pédales en se disant “merde, ce n’est pas la meilleure chanson au monde, c’est raté.” On n’est pas dans cet état d’esprit. Il faut avoir confiance en soi, suivre son cœur… Mais oui, ne souris pas comme ça, je suis sérieux ! (rires)
C’est à dire que musicalement, on peut s’attendre à du changement ?
Gabriel : Nous étions vraiment ouverts à toutes les suggestions. Quand nous avons démarré le deuxième album, nous étions très heureux de pouvoir partager toutes nos idées. Je pense qu’il vaut mieux ne pas se préoccuper de ce que les autres gens pensent quand un disque sort, du genre “c’est un mélange de ça et de ça” comme cela a pu être un peu le cas pour Howlin’. Il y a un spectre de choses que nous aimons toujours faire. Cela n’a pas d’importance d’avoir tel ou tel style de chansons parce qu’à la fin, cela sonne toujours comme du Jagwar Ma. C’est toujours moi qui chante et Jono qui produit.
Vous semblez également prendre beaucoup de liberté en live, loin de vous limiter à une fidèle reconstitution de vos chansons…
Gabriel : Il y a toujours des groupes que tu connais pour être allé à ce concert, ce show, à cet endroit, telle année… mais qui sonneront complètement différemment dans une autre concert six mois plus tard. C’est un vrai jeu d’improviser pour réussir à marier les chansons entre elles pendant un live. Nous essayons toujours de nous inscrire là-dedans et de profiter de chaque opportunité pour avancer vers quelque chose de cool.
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