Ecrivain souvent embarrassant, il s’est défenestré à Paris le 17 juillet.
Il était un écrivain souvent embarrassant, dont les coups éditoriaux tordus ont parfois laissé un goût amer, comme lorsqu’il écrivit Vivre me tue (1997) sous le pseudonyme de Paul Smaïl. Ces confessions usurpées d’un jeune beur, à mettre en regard avec son islamophobie auto proclamée (Tartuffe fait ramadan, en 2003), faisaient de Jack-Alain Léger un de ces pessimistes rageurs qui ont pas mal brouillé les cartes idéologiques en France. Mais l’homme était multiple, complexe, et les champs artistiques dans lesquels il a déposé ses mines ne sauraient êtres réduits à quelques marécages isolés. Car celui qui ne nommait pour l’état civil Daniel Théron n’a jamais laissé son identité en surplace.
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Fils d’un critique littéraire, avec lequel il n’aura que des rapports orageux, il s’était réinventé plusieurs fois pour échapper à l’empreinte familiale, choisissant sans doute au final de devenir écrivain pour emmerder un peu plus son géniteur. Il a commencé par écrire des chroniques de disques, notamment pour Rock&Folk, avant de passer de l’autre côté de la barrière en publiant deux albums dissemblables et remarquables, La devanture des ivresses sous le nom de Melmoth, en 69, et surtout Obsolete, en 71, avec pour pseudo Dashiell Hedayat. Un double hommage à Dashiell Hammett et à l’iranien Sadegh Hedayat. Enregistré avec les musiciens de Gong (et produit par un Bernard Lenoir tout minot !), Obsolete est l’un des meilleurs disques français post-68, avec notamment une rutilante Chrysler Rose à faire passer Dutronc pour un conducteur de Simca 1000.
Cet amateur de Dylan (dont il traduira l’unique roman, Tarentula) a largement contribué à faire exploser le langage rock français en lui donnant une vraie carrure beat, et l’album restera assez longtemps dans les replis cachés de l’histoire officielle, avant d’être redécouvert par les fouineurs des années 90 et élevé au rang de chef d’œuvre. Entre temps, et après avoir publié sous ce nom ses premiers livres inspirés par le roman noir américain, Dashiell Hedayat était redevenu Jack-Alain Léger, cultivant un non-conformisme assez conformiste et méprisant à rebours ses exploits de chanteur. Il ne cachait rien, cependant, ni son homosexualité (dans Autoportrait au loup en 1982) ni ses tendances maniaco-dépressives qui ont imprégné une grande partie de son œuvre. Il s’est défenestré à Paris le 17 juillet, en plein ramadan.
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