Codes of cobra : chorégraphie d’Iztok Kovac
Pour le festival Octobre en Normandie, le chorégraphe slovène Iztok Kovac mêle danse et cinéma. Etrange mariage qui réhabilite en beauté le mouvement.
Deux immenses tours d’acier aux reflets bleutés, des cheminées ceintes d’un ruban rouge se dressent au milieu d’un environnement tout ce qu’il y a de plus bucolique où l’industrialisation côtoie une tradition paysanne très marquée. Nous sommes à Trbovjle, l’une des plus grandes villes minières de Slovénie. C’est là et nulle part ailleurs, dans sa ville natale, qu’Iztok Kovac a fondé sa compagnie de danse En Knap, Les Mineurs. C’est dans ce trou du cul du monde qui lui colle à la peau qu’il puise sa force créative, au carrefour de toutes les contradictions entre passé et modernisme. C’est là qu’il commence à se confronter au monde ouvrier de son enfance en allant avec un groupe de danseurs investir la mine et danser au sommet de ces fameuses cheminées, parmi les plus hautes d’Europe, avec l’assurance d’un rapace. Il en résultera un film,Vertigo birds, réalisé par Saso Podgorsek, le troisième oeil d’Iztok. L’image filmée est une composante au moins aussi importante dans son oeuvre chorégraphique. Il invente le film de danse comme on ne l’a encore jamais vu, hors captation du spectacle, et crée une forme de fiction inédite.
Dans le cadre du festival Octobre en Normandie, il présente Codes of cobra, où tout commence aussi par un film, sorte de documentaire retraçant les improvisations qui ont servi le spectacle. Une image coupée en deux avec, à votre gauche, l’école des garçons, là où la bonne tape virile vous remet un homme sur pied et où les jeux sont plutôt cruels. Côté filles, c’est l’excitation permanente, elles sautent, elles rient, bref elles font les filles, mais sans jamais une once de mignardise, tout est dans l’énergie. Seulement voilà, la masculine est différente de la féminine, et pas question de faire semblant qu’on est pareils. Les couleurs sont vives, une tapisserie usée au mur donne l’ambiance. L’image filmée passe ensuite le relais au spectacle vivant, les danseurs entrent sur un plateau à dominante gris acier et dessinent au rythme du martèlement d’une turbine électrique des lignes extrêmement précises. Véritables piles électriques, ils dépensent sans compter, branchés sur un voltage inconnu sur nos échelles d’évaluation habituelles. L’archet d’un violon amène une note dramatique à l’ensemble. La musique est essentielle dans les spectacles d’Iztok Kovac. Créée pour une chorégraphie précise, elle est presque toujours live. Rythmes mécaniques qui rappellent toujours l’usine, mais aussi ambiance de bistrots, blues poignant…
Codes of cobra est un tournant dans la jeune carrière du chorégraphe. Très exigeant, avec un spectacle moins immédiatement accessible que les précédents, il répond à sa volonté d’amener la danse à un niveau de construction plus élevé. Son ambition déclarée est d’entrer dans la cour des grands, et de ne pas rester le gentil allumé de l’Est de service. Codes of cobra, comme tous les spectacles précédents, sidère par l’énergie sans cesse renouvelée qu’il dispense. Une vitalité qui réveillerait les morts et qui semble dire « Tant qu’il y a du mouvement, il y a de l’espoir. » Un spectacle qui ne laisse aucun doute quant à la cohérence de l’écriture et sur la singularité du parcours d’Iztok. Dommage que la crainte de n’être pas pris au sérieux lui fasse sacrifier sur l’autel de la reconnaissance son humour corrosif. On a envie de lui dire qu’il est de toute évidence un grand chorégraphe doublé d’un immense danseur, même si en France il est difficile de le vérifier, vu le peu de fois qu’il est programmé. Qu’il ne se mette pas à vouloir être trop sérieux, il en deviendrait ennuyeux !{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
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