Sous un ciel étoilé, un banc public propice aux bécots de deux amoureux et un titre d’une candeur désarmante, It’s love. De prime abord, l’album des Softies a des allures de gag rétro. Surannées, ces chansons rondelettes et ronronnantes, ces mélodies à patte de velours, ces deux voix qui se câlinent, ces guitares acoustiques qui […]
Sous un ciel étoilé, un banc public propice aux bécots de deux amoureux et un titre d’une candeur désarmante, It’s love. De prime abord, l’album des Softies a des allures de gag rétro. Surannées, ces chansons rondelettes et ronronnantes, ces mélodies à patte de velours, ces deux voix qui se câlinent, ces guitares acoustiques qui échangent des caresses furtives. It’s love empeste le calendrier des PTT, les châtons chahutant une pelote d’angora. Pourtant, à bien y regarder, ces harmonies idylliques sont bâties en trompe-l’œil, la petite ville édénique a le sourire ébréché : « fermé », « à vendre », « changement de propriétaire », les devantures sont en berne. Et cette douzaine de chansons d’amour explorent minutieusement un pays du Tendre sensiblement différent de celui inventé par Mademoiselle de Scudéry on y scrute bien des intermittences du cœur, des sautes d’humeur du désir et les mille visages de l’hydre Jalousie, mais dans un univers de dentelle barbelée où l’homme est un intrus balourd, un rival tricheur. « I can’t get no satisfaction, thank God » (Je n’arrive pas à jouir, Dieu merci), ricanent les copines sur une reprise mutine de Talulah Gosh. « Je ne peux pas t’aimer comme il le fait », se lamente une voix d’amoureuse dépitée et le mâle américain déjà secoué par un costaud retour de gourdin (hystérie vengeresse et ragots d’alcôve chez Alanis Morissette ; persiflage perceur d’amour propre blindé chez Liz Phair ; folk fielleux chez Ani Di Franco) se voit définitivement signifier son congé. Rose Melberg et Jen Sbragia, les deux filles coiffées à la Louise Brooks (et tendrement enlacées au verso de la pochette) des Softies sortent de Butterfly kiss plutôt que d’American graffiti. Ici, l’auditeur masculin, ce voyeur, n’est toléré qu’à condition de se faire oublier. On revient pourtant sans cesse et en douce à ce disque secret, à ces harmonies fragiles et obsédantes : à cent lieues du militantisme lesbien moustachu, les Softies ont enregistré là quelques-unes des plus belles chansons tristes du monde (Alaska, Charms around your wrist). Et confirmé que le malheur d’aimer survit à toutes les ascèses, fussent-elles opérées au détriment d’une moitié du genre humain.
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