Le baroudeur Pierre Barouh Itchi go itchi e (Une Rencontre, une occasion) (Saravah/Night & Day) Figure décalée de la chanson française, Pierre Barouh ouvre en grand la fenêtre sur le monde. Pour rêver et philosopher. A moins d’avoir vécu ces trente dernières années sur la lune, tout le monde connaît Pierre Barouh. On rafraîchira en […]
Le baroudeur Pierre Barouh Itchi go itchi e (Une Rencontre, une occasion) (Saravah/Night & Day)
Figure décalée de la chanson française, Pierre Barouh ouvre en grand la fenêtre sur le monde. Pour rêver et philosopher.
A moins d’avoir vécu ces trente dernières années sur la lune, tout le monde connaît Pierre Barouh. On rafraîchira en vrac les mémoires courtes en résumant un palmarès où se bousculent La Bicyclette (Montand) et Des ronds dans l’eau (Hardy), dont il fut l’auteur impressionniste, en passant par les chansons d’Un Homme et une femme et Vivre pour vivre écrites avec Francis Lai. Acteur, cinéaste, premier à avoir introduit en France les vapeurs câlines des sambas brésiliennes, Barouh est avant tout le tenancier actif du plus vieux label indépendant français en activité, Saravah, auquel on doit parmi d’autres Brigitte Fontaine, l’admirable Jean-Roger Caussimon et leur digne héritier Fred Poulet. Et Higelin, aussi. Barouh enregistre également depuis 65 des albums dont certains Vivre, Ça va ça vient sont devenus cultes au Japon, où auprès des gens de goût le seul nom de Pierre Barouh suffit à évoquer d’infinies promesses délicates, nourries des cadences divines de la bossa-nova et juste ce qu’il faut de chanson française traditionnelle.
Premier album depuis huit ans (Noël, en 90), Itchi go itchi e repose sur une idée chère à Barouh d’aller partout avec du matériel léger et de graver des chansons au gré des occasions et des rencontres. Cousin un peu âgé et assagi du Clandestino de Manu Chao, Itchi go itchi e rassemble les impressions
du coin de la rue Lili, aubade pour une vendeuse de journaux du vème arrondissement et du bout du monde : le Brésil, évidemment, avec une nouvelle version de Samba Saravah (fruit d’une collaboration fraternelle de Barouh avec les maîtres Vinicius de Moraes et Baden Powell en 58), et puis le Japon, le Québec, le Chili, Cuba ou la Colombie. Dans la cartographie personnelle de Barouh, les frontières se croisent souvent, à l’image des lignes sur les mains tendues : elles forment un écheveau complexe que seules parviennent à démêler la limpidité de la musique, la fluidité des mots, l’idée qu’on se fout bien des flacons pourvu qu’on ait l’ivresse. Et l’ivresse est permanente ici, irriguée tantôt par les flots languides de l’utopie (Plus loin), tantôt par le fiel de ce que Barouh nomme ses colères saines (Tonio, Les Grands prédateurs), toujours portée en triomphe par un choeur d’instruments acoustiques ronds et délicats. Pas de place pour un requin de studio sous ces tropiques doucereux, pas l’ombre non plus d’un seul cliché touristique. Rêveries d’un promeneur bien entouré, parcours philosophique pavé du souvenir des amis disparus (un texte de Caussimon sert de point de départ à Confidences) ou réapparus (Areski Belkacem signe la musique de 80 A. B.), Itchi go itchi e est un joli moment d’harmonie collective, l’album d’une grande famille recomposée dont Barouh serait à la fois le patriarche et le nouveau-né permanent.
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