A 19 ans, le rappeur californien Issue a sorti « Liquid Wisdom » chez Greedhead, le label de Himanshu Suri de Das Racist. Un album qui s’annonce d’ores et déjà comme une des grosses claques hip-hop de l’année. Défonce au thé, sagesse et France Gall, on lui a passé un petit coup de fil.
Où as-tu enregistré ton album?
Je ne suis pas allé en studio. Je l’ai fait dans ma chambre. Je m’y sens plus à l’aise. J’ai tout écrit moi-même, tout enregistré moi-même. J’écrivais les paroles au lycée, et j’enregistrais en rentrant chez moi. Quant à la musique, ça dépendait de mon humeur.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ton album parle beaucoup de thé…
Liquid Wisdom c’est comme du thé chaud. Tout l’album parle d’éveil spirituel, de sagesse, de thé. Si t’as le thé et la sagesse, tu pourras vivre longtemps. Et j’adore le goût du thé. J’aime le thé sucré, pas amère. Le thé ne m’ennuie jamais, j’en bois énormément.
On a l’impression, dans ton album, que le thé est une métaphore pour la drogue…
Je ne sais pas si le thé enivre. Je sais juste que ça dégage de bonnes vibrations. La sagesse et le thé. Les deux sont liés.
Dans quel sens?
Dans les films que je regarde, c’est toujours un vieil homme sage qui se verse du thé. Ce n’est jamais un jeune mec naïf.
Ton album semble aussi très influencé par le Japon…
J’ai essayé de l’ouvrir à l’international. Je ne veux pas appartenir à un seul pays.
Tu es déjà allé au Japon ?
Non, jamais. J’ai toujours voulu aller là-bas et en Europe. J’ai une vision mondiale des choses. J’ai regardé des photos du Japon sur Google et je m’imagine bien là-bas. Je prévois de faire une tournée en Europe, au Japon, en Australie, en Russie.
Pourquoi portes-tu un masque ?
Je suis très timide. Porter un masque me donne confiance en moi, comme si j’avais une identité secrète. Et puis, je suis fan de catch et de super-héros.
C’est lequel ton préféré ?
Batman. Il est humain, riche, intelligent, il aime l’art, il parle plusieurs langues mais c’est un super-héros ! C’est lui que je veux être !
Tu as plusieurs masques ?
J’en ai cinq, mais j’aimerais n’en avoir plus qu’un.
Ce n’est pas trop dur de donner un concert avec un masque ?
Si ça l’est! Énormément.
A cause de ton masque, on te compare souvent à MF Doom, ça te plaît ?
Bien sûr que ça me plaît ! Danger Doom [collaboration entre Danger Mouse et MF Doom, ndlr] est un de mes groupes préférés. Mais ce mec est une légende. On n’est pas du tout sur le même plan. Et on a des styles de rap différents je trouve.
Il y a d’autres rappeurs qui t’ont influencé ?
Environ 500 ! (rires). J’adore Lil B. Le genre de rappeur qui n’essaye pas d’être quelqu’un qu’il n’est pas. J’écoute plein de trucs, pas que du hip-hop. Si la mélodie est bonne et que ça dégage de bonnes vibrations, j’aime ! J’écoute beaucoup de pop française des sixties.
Comme qui ?
France Gall, les Yé-yés. C’est cool, ça rend heureux. Je peux passer mon temps à traîner dans ma chambre en écoutant ça.
Ton masque, ça me rappelle aussi les casques des Daft Punk…
Quand j’avais 11 ans, j’écoutais Kratftwerk. Puis, mon frère m’a fait écouter Daft Punk. Depuis, j’ai toujours été hyper fan.
Comment décrirais-tu ta musique ?
Tu vois comment le jazz est libre et expressif ? Ma musique c’est la même chose mais sans la sonorité du jazz. Tu connais le mouvement « based » ? ça consiste à dire « ne laisse personne changer la façon dont tu rappes ou qui tu es. Fais tout comme tu le sens ». Je m’y sens affilié.
C’est ton premier album Liquid Wisdom ?
C’est mon plus gros mais pas le premier. J’en ai fait d’autres. J’ai commencé à écrire des morceaux à l’âge de 14 ans. Je sortais deux à trois mixtapes par an. Mais cette fois-ci j’ai voulu prendre mon temps pour sortir quelque chose de vraiment bien, qui me plaise.
A part la musique, tu occupes comment tes journées et tes nuits ?
Je ne sors pas beaucoup. J’aime être relax, faire de la musique, me sentir envoûté. Je bois du thé et j’écoute de la musique.
Tu es le fils d’E-40 [rappeur californien, ndlr], ça te dérange qu’on te présente souvent comme ça ?
Non, c’est cool. Je n’ai aucun problème avec ça. Il me soutient, il écoute mes morceaux une fois qu’ils sont finis et me donnent des conseils du genre « baisse ça, augmente la réverbe » etc. Mon frère est aussi rappeur et producteur. Il a 26 ans. C’est lui qui m’a appris à faire des beats. On se soutient beaucoup dans la famille.
Tu habites toujours avec ton père ?
Oui. A quelques kilomètres de San Francisco. J’aimerais bien déménager à L.A ou Paris. Je rêve de Paris, la culture, l’art, la gastronomie. Je n’y suis jamais allé. Mais mon public est à L.A.
Tu préfères le studio ou la scène ?
Je préfère voir le public qu’enregistrer dans ma chambre.
Le cinéma t’influence ?
Complètement. J’adore les films de superhéros, les films d’action. J’en regarde beaucoup.
Tu as regardé Captain America ?
Tu parles du premier ou du deuxième ? J’ai vu le premier, c’est un bon film, tu devrais le voir.
Tu tweetes beaucoup…
Twitter me donne un accès direct à mon public et aux bloggeurs. Le premier bloggeur qui a tweeté ma musique c’était en 2010, il s’appelait Noz. Plein de gens m’ont suivi après ça. Twitter m’a vraiment lancé. J’ai aussi Facebook mais je préfère Twitter. N’importe qui peut venir m’y parler.
Tu vas faire quoi de ton été ?
Avec mon manager, on a parlé d’aller en Europe pour un ou deux concerts. Avant ça, à la fin du printemps on fait une tournée sur la côte ouest des USA.
Tu sembles vraiment fixé sur l’Europe, tu n’aimes pas les Etats-Unis?
(Rires) J’y suis depuis longtemps, c’est cool, mais je cherche une façon différente de vivre, je pourrais être en meilleure santé en Europe. La bouffe américaine est dégueulasse. En France, je pourrais aller au marché, cuisiner.
Tu sembles être très attiré par la vie saine, équilibrée…
Il faut prendre soin de soi. J’irais beaucoup mieux si j’étais en meilleure santé, j’aurais davantage confiance en moi.
Tu es à l’université maintenant ?
Non, j’ai pris une année sabbatique. Je devrais retourner à l’école en août. Pour le moment, je me détends, j’écris mieux quand je suis détendu. Je vais au cinéma avec ma famille. Je vis une vie normale
C’était comment le lycée ?
Beaucoup de mes camarades – pas mes amis, mes camarades – ne croyaient pas en ma musique. Ils disaient « ouais ouais on verra». Au lycée, j’étais le seul à enregistrer des morceaux dans ma chambre. J’étais un peu à part. Aujourd’hui je fais toujours de la musique donc bon…
Tu te vois faire quoi dans 10 ans ?
Je veux faire plein de trucs : de la photo, produire du thé, créer une ligne de vêtements.
Produire du thé ?
Ouais, ça serait super cool. Mon père a fait du vin. Moi je veux faire du thé.
Ecoutez l’album :
{"type":"Banniere-Basse"}