Soul Coughing met un nez rouge au rock new-yorkais, imite l’éléphant, le tigre. Et humilie les orthodoxies. Voir un badaud du samedi acheter un disque sur la seule foi d’une pochette et de quelques commentaires sulfureux (entendus sur la FM jeune) restant un délicieux plaisir, on se délecte à l’avance de la surprise réservée par […]
Soul Coughing met un nez rouge au rock new-yorkais, imite l’éléphant, le tigre. Et humilie les orthodoxies.
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Voir un badaud du samedi acheter un disque sur la seule foi d’une pochette et de quelques commentaires sulfureux (entendus sur la FM jeune) restant un délicieux plaisir, on se délecte à l’avance de la surprise réservée par Soul Coughing à ce genre de chaland. Rien que pour ce trait d’humour, cette fausse piste en lettrage jaune-vert daté « cinéma américain du début 80 » et l’imagerie très easy-listening qui déguise Irresistible bliss, Soul Coughing mérite d’être distingué. La plaisanterie s’arrête là, précisément lorsqu’un swing-beat déglingué rythme avec une élégance pachydermique la mélodie rêche de Super bon bon. Là, les couleurs chamarrées de l’easy-listening et de la titraille fluo virent au cynique, une rare sensation de malaise va crescendo. Une basse aux fréquences crépusculaires resserre l’atmosphère, et la voix de serpent de Doughty se faufile dans des phrases courtes. Furtives et pesantes à la fois, elles relatent une étrange partie de ping-pong mental entre un délirant espoir de communication et la peur panique d’entendre la sonnerie du téléphone. Déclinée en douze petites saynètes, cette thématique familière des scénarios d’Au-delà du réel (série culte pour laquelle Soul Coughing a couché quelques compositions) infiltre méthodiquement chaque chanson de cet album, servie par une instrumentation atypique, incroyable cocktail de modernité et d’iconoclasme. A croire que Soul Coughing a décidé d’explorer cette zone interlope du rock new-yorkais quand, en fin de nuit, les langues épuisées mâchonnent leurs mots et causent d’ombre (Lazy bones). Musicalement, à cette heure, les trames du classicisme rock n’ont plus cours dans les repaires avant-gardistes du New York musical. Alors, comme ses « parrains » Talking Heads en leur temps en largement moins cérébral , Soul Coughing devient ce groupe hypothèse que l’on célébrait déjà avec le précédent Ruby vroom, détourne les orchestrations lyriques en glissements de cordes contrôlés, entrechoque des rythmiques jusqu’à la confusion (Soundtrack to Mary) et flanque une solide trouille au rock en lui infligeant la loi du sample. Un sample intelligent et malicieux, qui derrière des clins d’œil grossièrement jouissifs (barrissements d’éléphants et glapissements divers), explore et revitalise les espaces laissés vacants par ce rock oblique et dépouillé.
Marc Besse
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