De Patti Smith à Joy Division, en passant par Taxi Girl et Peter Tosh, voyage dans le temps avec des icônes pop et rock.
Un soir, lors d’une rencontre avec Michel Houellebecq, je ne sais plus trop pour quelle raison, j’évoquais Patti Smith, il me demanda, sans aucune malice : “Patti Smith ? Mais elle est morte, non ?” J’ai eu le sentiment qu’il venait de formuler, d’une manière involontairement humoristique, quelque chose d’essentiel. Non, Patti Smith n’est pas morte, mais oui, un peu, finalement.
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Pour Eminem, Dr Dre, Maître Gims ou l’ensemble de la culture hip-hop et de ses produits derivés, elle n’aura jamais existé. Pour les jeunes rockeurs de 2016, elle n’est qu’une icône du passé parmi tant d’autres. Pour les jeunes de l’electro-pop 2016 qui vont se défouler dans les clubs, elle fait vaguement peur avec son look de vieille Indienne.
Pour qui existe-t-elle donc ?
Mais si elle n’est pas morte, pour qui existe-t-elle donc ? On serait tenté de répondre : pour les vieux. Mais aussi pour les collectionneurs friqués des photos de Robert Mapplethorpe et, à coup sûr, pour les musées, les festivals d’été et les biographes rock.
Mais existe-t-on vraiment dans un musée ou un festival ? Ça se discute… Personnellement, j’aime beaucoup Patti Smith période 70’s et mid-80’s. Je pourrais même dire qu’elle a été une artiste essentielle de cette époque. Une vraie icône rock.
Pour en revenir à Michel H., ce même soir, il m’a demandé de collaborer avec lui sur la musique de ce numéro des Inrocks dont il est rédacteur en chef. Je lui ai demandé de me laisser un peu de temps pour y réfléchir.
L’époque que représentait Patti Smith est bien morte
Le lendemain, je lui ai proposé de reprendre sa phrase comme titre de notre collaboration. “Patti Smith ? Mais elle est morte, non ?” (Michel Houellebecq, 24 mars 2016) Sa réponse : “Tu as raison, c’est un bon titre. Ça m’arrive d’être drôle comme ça, sans le faire exprès. Bon, il va falloir assumer à deux, si tu veux bien. Je ne sais pas ce qui m’a pris, je n’ai rien contre cette pauvre vieille (quand même, sans chercher sur internet, l’impression qu’elle est morte persiste, mais sans doute pas, en effet).”
Je lui ai proposé d’assumer cette position à 100%, après tout, cette fois-ci, ça ne me dérangerait pas d’être la seringue. Michel me dit que, finalement, il assumerait ses propos plus que prévu. Patti Smith n’est pas morte, non, elle est même très vivante et active, mais l’époque qu’elle représentait, elle, est bien morte.
Je ne crois pas vraiment au “c’était mieux avant” des vieux cons, je crois plutôt que l’image des artistes d’aujourd’hui est “bien meilleure” depuis le 4 février 2004 (naissance de Facebook). C’est-à-dire bien plus pensée, travaillée, et organisée vers le commerce. Une image “entrepreneuriale” ?
Mirwais Ahmadzai (Paris, le 27 mars 2016)
Varg Vikernès (Burzum)
Je n’écoute pas de black metal. D’aucuns prétendent que ce sont des fachos. Je m’en fiche un peu, ce qui m’intéresse c’est pour quelle raison le chanteur Varg Vikernès allait incendier des églises en Norvège et a fini par planifier, organiser et assassiner son rival, le chanteur Euronymous, du groupe Mayhem, pour être ensuite condamné à vingt et un ans de prison.
En absolue minorité, Varg Vikernes enregistrait l’un après l’autre tous les instruments de son groupe, dont il était le seul membre. Staline, le dictateur bien connu, disait : “Le problème ce sont les hommes ! Pas d’homme, pas de problème !” Johnny Cash et Tupac peuvent aller se rhabiller, il y a manifestement quelque chose de “dangereux” chez ce type. C’est peut-être cela l’esprit du rock. Un peu de folie, quand même. MA
Seppuku (Taxi Girl)
Janvier 1982. Après Cherchez le garcon, tout le monde attendait un follow-up, une suite au succès quand même très improbable de ce groupe parisien dont j’étais le guitariste et compositeur.
Le signe qui aurait dû nous inquiéter fut, lorsque Patrick Zelnik, fondateur du label Virgin France tout juste constitué, après avoir écouté les mixages définitifs, d’une voix légèrement tremblante, déclara que l’atmosphère du ep était “un peu” sombre.
Jean-Jacques Burnel, le bassiste des Stranglers que nous avions choisi pour produire l’album, fixait le sol, comme nous tous d’ailleurs. Mais ce n’était pas tout… Nous avions réservé une petite surprise supplémentaire à Patrick Zelnik.
La pochette, qui représentait une jeune fille japonaise pratiquant le “seppuku”,le suicide rituel japonais, photographiée par Jean-Baptiste Mondino, était scellée aux quatre coins pour pouvoir être ouverte avec une lame de rasoir, fournie avec l’achat de l’album. On n’autorisa pas la lame de rasoir. Seppuku resta scellé à jamais. MA
Legalize It (Peter Tosh)
La force d’une image n’a rien à voir avec “faire passer une image en force” comme nous pouvons le constater tous les jours. Je n’écoute pas beaucoup de reggae mais j’ai toujours apprécié la galaxie originelle Marley. Ça avait du sens.
Et la pochette de Legalize It en avait. Et de la force aussi, pas besoin de bla-bla, de discours politique. Winston Hubert McIntosh aka Peter Tosh a choisi d’aller poser au milieu d’un champ de cannabis. Rien à ajouter. MA
Timeless (Goldie)
Difficile de trouver un titre plus psychédélique que Timeless. Une hardcore symphony. On appellait ça de la jungle vers 1997. Pas du drum & bass. Ça n’avait rien à voir. On retrouve d’ailleurs aujourd’hui un peu de la sauvagerie de la jungle originelle dans le trap ou le dirty south d’il y a quelques années.
L’utilisation du time streching, des sons manipulés à l’extrême, manipulations hors phases, reverse, downsampling, l’ultradynamique , les sub-basses. Absolument toutes les techniques des productions musicales d‘aujourd’hui sont déjà présentes dans Inner City Life.
A part l’Auto-Tune… J’y verrais presque là un symbole. Et en plus il avait un look de “racaille commerciale” pur 2016. Grillz, coupe Rapetou, tatouages, doudounes surdimensionnées, casquettes, etc. Et il l’était un peu. Mais il a su rester un artiste par la suite.
L’artwork de la pochette semble insignifiant de prime abord, mais lorsqu’on approche le regard, une petite tête de mort incrustée au milieu du dessin semble indiquer que ce n’est pas du Selena Gomez. MA
Répétitions (Joy Division)
Je ne vais pas vous reparler de la musique de Joy Division, tout le monde la connaît, nous somme en 2016, et c’est l’été ! Aujourd’hui, il est plutôt question de style, de personal branding, personal shopper, customisation, etc. Vous connaissez peut-être ces mots ?
Ils font partie du langage courant. A l’époque de Joy Division et de beaucoup d’autres, ça n’existait pas, toutes ces conneries. Et pourtant ils avaient du style. Tellement de style qu’on pourrait aussi penser que c’était plutôt l’époque qui en avait. Cette photo, comme beaucoup d’autres de Joy Division, est devenue iconique, car ils étaient juste eux-mêmes. MA
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