Le collectif (et désormais label) Casual Gabberz vient de sortir une compilation de 51 morceaux. Avec une idée en tête : donner au gabber des couleurs contemporaines et hybrides.
Depuis quelques années, le gabber s’infiltre un peu partout. Koudlam, LUH ou LOAS, pour ne citer qu’eux, se sont déjà inspirés du mouvement, une expo avait pris place en 2014 à Paris ; et on attendait avec impatience que l’expression française du gabber continue à prendre de l’ampleur. Du coup, vous imaginez notre joie lorsque Casual Gabberz a annoncé la sortie d’Inutile de fuir, une compilation/manifeste de 51 morceaux emballés dans une pochette d’une subtilité nucléaire. Sans parler du moment où les algorithmes de Facebook nous ont appris que Kevin El Amrani s’était attelé à illustrer le disque avec une longue (et belle) vidéo :
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L’hybridation, et un hommage tourné vers le futur
On a contacté Paul Seul, l’un des instigateurs du projet, afin qu’il nous décrive l’ambition du geste :
« On ne cherche pas à se positionner en tant que label de gabber stricto sensu. L’idée est d’affirmer des influences hard dans une production club contemporaine. C’est une sorte de travail de recherche et d’hybridation. »
En résulte un objet aussi agressif qu’intéressant. Inutile de fuir ne cherche clairement pas à plaire à tout le monde, mais à proposer quelque chose de neuf. Une forme d’hommage, sans doute, mais « tourné vers le futur, sans idée de nostalgie« . Et la mission est clairement réussie : les BPM s’enchaînent, force de frappe imparable, et s’offrent même parfois des moments étonnamment gracieux. Comme par exemple sur le titre R3fl3ction, d’AAMOUROCEAN, à la fois ultra dansant – ce qui reste quand même le but de la compilation – et rempli d’une mélancolie irrésistible. Avec ses éléments gabber, le titre réussit le tour de force de rendre l’eurodance agréable :
https://casualgabberzrecords.bandcamp.com/track/r3fl3ction
Aux cotés de musiciens directement issus de la scène française, on retrouve aussi des noms plus surprenants. D’abord Butter Bullets, les démons du rap – mention spéciale à leur titre Alexander Shulgin, L.O.A.S., avec un remis du morceau VLV par RER E, ou encore Panteros 666. Mais également Krampf, le DJ/producteur dont on croise le nom un peu partout aujourd’hui. Celui-ci nous déclare :
« De base c’est une influence pour mes prods, de manière assez directe par le sample. Quand j’ai évolué vers une musique moins samplée, l’influence s’est plus ressentie sur le travail de recherches et de textures, de qualité et de variété dans les saturations. »
Un genre bien contemporain
Si la musique gabber, vue par beaucoup comme un truc de russes ivres ou défoncés, a souffert de pas mal de clichés depuis son apparition, elle vient donc de s’offrir un habillage aussi neuf que bienvenu. La brutalité de l’ensemble peut aux premiers abords rebuter – ou attirer, c’est selon – mais se focaliser uniquement sur sa puissance de feu serait une erreur. Beaucoup de morceaux frisent par moment la virtuosité musicale, et dépassent la simple volonté de frapper le plus fort possible. Comme en témoigne par exemple le morceau de Voiron :
https://casualgabberzrecords.bandcamp.com/track/reaction-voiron
Evidemment, tout ça ne vient pas de nulle part. Le crew tourne depuis un moment et s’est très vite taillé une place de choix dans la sphère underground du genre. Paul Seul explique :
« Sans tomber dans la psychologie de comptoir, je pense que le gabber peut être vu en 2017 comme un exutoire ultime, à la hauteur du chaos de ce monde. »
On ne pourra qu’être d’accord avec lui. Et finalement, la seule chose qu’on puisse éventuellement reprocher à Casual Gabberz, ce sont sans doute les visuels de leurs soirées. Mais à vrai dire, on s’en fout un peu et tout ça reste bien subjectif ; ça n’empêchera pas Inutile de fuir de tourner encore un bon moment dans nos discmans.
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