Antiraciste et féministe, le rappeur Irlandais nous parle de lui et de son ras-le-bol du hip-hop contemporain.
Il s’appelle Alex, a 22 ans et revendique clairement sa nationalité irlandaise et sa couleur de peau, comme un tas d’autres questions identitaires. Ce genre de luttes personnelles, il les a réglées pendant son expérience de trois ans aux Etats-Unis. Après avoir traversé l’Atlantique, histoire d’apprendre le football et finalement se retrouver en école d’art, le jeune homme (qui admire Michael Jackson, Freddie Mercury et 2Pac) décide de se mettre à la musique et fait, depuis, un joli doigt d’honneur au reste du monde.
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On l’a rencontré le week end dernier à Paris, à La Bellevilloise, un peu avant sa montée sur scène pour un concert du genre mouvementé. Discussion avec un rappeur un peu à part dans le game d’aujourd’hui.
Tu viens de Dublin, mais tu vis actuellement à Londres. Quel regard poses-tu sur le rap UK et US ? Qu’est-ce qui les différencie, selon toi ?
Ce sont deux choses totalement différentes. Les Etats-Unis, c’est là où le hip-hop a été inventé, alors que le Royaume-Uni possède sa propre vibe. Les gens qui vont en Amérique pour rapper font une erreur, car selon moi, on ne devrait jamais changer son flow, c’est ça qui nous rend spéciaux. Comme à Paris, les Français ont leur truc à eux. Pas besoin d’aller américaniser son unicité. Mais bon, ce sont des choses que les Américains ne peuvent pas comprendre de toute manière. À Londres, quand on parle de grime, c’est plus que du hip-hop, c’est un style de vie, une attitude, des vêtements !
Tu n’aimes plus le hip-hop ?
Le hip-hop m’ennuie. Il y a pleins de rappeurs qui mentent ou qui ne sont pas tout à fait honnêtes. C’est beaucoup de pipeau. Je n’ai même pas besoin de dire qui, car au fond tout le monde le sait. Ce qu’ils racontent c’est vraiment de la merde : leurs paroles, leur style de vie, etc. Le hip-hop d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’avant. Il est étrange… Je crois que tout ce qui le rendait cool, comme le breakdance et le freestyle, s’est transformé en une obsession pour l’argent.
Si tu devais comparer ta musique à quelque chose, ce serait ?…
Le sexe. C’est le premier mot qui me vient à l’esprit, je ne sais pas pourquoi!
Et ta façon de rapper ?
D’abord, je pense que ce serait comme avoir une conversation avec le micro, et ensuite d’étendre cette conversation au public. J’essaie de transmettre mes émotions pour que ma musique touche le public. Mon rap ne se résume pas seulement à des mots. Il faut ressentir les choses, donc j’essaie de faire de mon mieux pour capter l’attention du public et éventuellement croiser le regard de quelqu’un qui est venu pour m’écouter.
On dit déjà de toi que tu as un besoin insatiable de te réinventer en permanence.
C’est juste pour garder mes fans intrigués et intéresser le reste des auditeurs. C’est cool, parfois, de changer de facette, de délire, pour donner aux gens quelque chose de différent et montrer ce dont on est capable. Si tu ne le fais pas, tu ne peux pas mener une belle carrière et avoir une longévité dans l’industrie musicale. Et puis il faut savoir ouvrir de nouvelles portes, sortir de sa zone de confort, c’est pour ça que j’ai envie de faire du théâtre ou du cinéma.
Il y a 3 ans, tu faisais des premières parties pour Kendrick Lamar, et aujourd’hui c’est toi la tête d’affiche de tes concerts. Tu le vis comment, ce succès qui monte ? Sur Twitter, tu as dis : « Je crois que je suis enfin devenu la personne que j’ai toujours voulu être.«
Je voudrais être une personne importante, avec un rôle, même si je ne pense pas être le meilleur exemple. Pour moi, ce rôle pourrait être de conseiller et avoir un impact sur les jeunes. Et rendre fiers les gens de mon quartier, à Dublin – ça, c’est la plus belle chose. Même ma mère commence à se dire que je prends la bonne direction.
Quand on écoute tes morceaux, on sent que tu es préoccupé par la question du racisme et de la communauté noire. C’est dû à ton enfance?
Je pense que chaque personne noire a sa propre expérience en terme de racisme. La mienne est très différente de celle de la plupart des gens, car là d’où je viens les gens ne savent pas ce que ça signifie d’être noir ou ne s’y intéressent pas, et du coup, vous traitent vraiment différemment. J’ai dû grandir avec ça, et ça m’a rendu plus fort. Mais je pense que le racisme est quelque chose de sensible et qu’il existera toujours, donc la seule chose qu’on puisse faire c’est apprendre à vivre avec.
C’est comme ton obsession pour le Ku Klux Klan, elle existera toujours? Entre la pochette de ton ep Rejovich, où l’on voit une jeune femme noire assise à côté d’un membre du KKK, et ton titre Blakkst Skn, c’est quelque chose qui revient.
(Rires) Et encore, au départ, je voulais même utiliser trois « k » pour « Blakkst » Skn, juste pour envoyer chier les gens.
https://twitter.com/rejjiesnow/status/704811838957948929
Tu t’es également engagé pour Ke$ha, qui a perdu son procès contre son producteur Dr Luke, attaqué pour harcèlement et d’agression sexuelle. Tu es féministe ?
Je crois que les femmes, dans l’industrie musicale, n’ont pas le même traitement que les hommes, et ce n’est absolument pas normal. Quelque chose doit changer à mon avis, quoi, je ne sais pas, mais ça doit changer. Que ça soit économique ou social… Le problème c’est que tout est hyper sexualisé, même dans les positions hiérarchiques. Donc oui, je pense qu’on devrait être égaux. J’ai grandi avec beaucoup de femmes donc je comprends mieux les enjeux que d’autres personnes. En ce qui concerne Ke$ha, c’est une histoire assez horrible…
Si tu étais au sommet de l’industrie musicale, quelles mesures prendrais-tu ?
Je ne sais pas (rires). Mais commencer par bannir un certain nombre de termes qui rabaissent la femme serait déjà un bon début. Arrêtez les « bitch » à tout va. On a le droit d’utiliser le mot « bitch » – je le dis quand je suis avec mes potes. Sauf que je ne l’utilise jamais pour désigner une fille ou une femme, c’est plus un synonyme de « shit » ou « fuck » pour une situation donnée. Ça fait partie de mon langage.
Prochain concert le 3 juin à Ramonville (Festival Week End des Curiosités)
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