En deux ans, Richard Davies et Eric Matthews ont signé quatre des albums américains les plus passionnants et culottés de l’époque. Fin 94-début 96, il n’aura pas fallu plus longtemps à Richard Davies et Eric Matthews pour publier, ensemble ou séparément, quatre albums. Pas des ready-made torchés sur 2-pistes à la Baby Bird, mais bien […]
En deux ans, Richard Davies et Eric Matthews ont signé quatre des albums américains les plus passionnants et culottés de l’époque.
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Fin 94-début 96, il n’aura pas fallu plus longtemps à Richard Davies et Eric Matthews pour publier, ensemble ou séparément, quatre albums. Pas des ready-made torchés sur 2-pistes à la Baby Bird, mais bien quatre véritables disques audacieux et complexes, dont l’allure souvent pharaonique ne dit rien des matériaux relativement modestes qui les composent. Le marathon a commencé avec Instinct, signé The Moles alias Richard Davies, un Australien déjà responsable d’un album sous le même nom, Untune the sky, trois ans auparavant , le plus chiche d’entre tous et aussi le plus ouvertement dérangé : une demi-heure d’équilibrisme sur les sommets de Love et des premiers Pink Floyd, où Davies se refusait à faire un tri raisonnable entre le génie de Barrett ou d’Arthur Lee et son corollaire psychiatrique, frisant à plusieurs reprises la camisole tout en se ménageant une possible sortie sans contusion. Fort heureusement, c’est cette issue-là que Davies décidera d’emprunter. Avec Cardinal, grâce sans doute à la nature plus tempérée d’Eric Matthews, il renoncera aux chutes libres et sans filet, leur préférant la pente douce d’une pop aux architectures tout aussi savantes mais dont l’extravagance sera amortie par de généreux matelas d’instruments. Trompettes, piano, clavecin : la musique de Cardinal pourrait s’avérer dispendieuse si elle n’était sans cesse retenue au col, comme sommée par ses auteurs de ne rien montrer d’inutile. Prude et confidente à la fois, sans doute est-elle la plus digne expression d’un veuvage : celui d’un passé dont elle a su conserver le meilleur et duquel elle porte un deuil hautain, sans fleurs ni couronnes. Son petit héritage équivaut à presque rien : quelques disques oubliés qu’Emitt Rhodes ou Colin Blunstone gravèrent à la retombée de la vague sixties, en profitant du creux pour y lover les mélodies les plus intimes et délicieusement tarabiscotées qui soient. Avec son album solo, It’s heavy in here, Eric Matthews a prouvé qu’il était bien le compositeur rigoureux et raffiné du duo. Démarré en Fanfare, la trompette au garde-à-vous, cet album est celui du lot qui révèle la gamme de nuances la plus large comme les harmonies les mieux ouvragées. L’exercice le plus vain de l’an dernier aura ainsi consisté à établir un classement entre les courbes soyeuses déliées par Matthews en solo et les tremblotements perçus chez Cardinal. Davies, lui, a choisi : avec There’s never been a crowd like this, son propre album solo, il retrouve le chantier tel qu’il l’avait laissé à la fin des Moles. Aidé par quelques Flaming Lips, il s’emploie une fois de plus à déconstruire et à dramatiser le scénario par trop convenu de la pop symphonique : ses trompettes à lui sonnent le glas, son orchestre fiche la trouille, ses chansons sont les jumelles cloîtrées de celles d’Eric Matthews. Sacrée famille.
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