Arty, envoûtants, essentiels : Les américains d’Animal Collective s’offrent en vidéo live pour une nouvelle Inrocks Session.
Le lundi, Dieu crée les hérissons, les caisses de supermarché et les queues de comète. Le mardi les guerres mondiales, les cèdres du Liban et les dents de sagesse. Le mercredi les peines de cœur et celles de mort. Le jeudi les drogues douces et dures. Le vendredi les dépressions nerveuses et le soleil. Le samedi les ours polaires et leur futur extincteur. Dieu, le dimanche, s’emmerde. Il crée la musique ; elle sera la représentation, pour son propre loisir, de toutes ses autres créations. Il crée Animal Collective.
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On a parlé, à propos des New-Yorkais, de freak-folk. On pourrait parler de noisy-pop, on resterait loin du compte : la musique tortueuse et sublime des quatre jeunes garçons de Brooklyn ressemble au monde. Dans son ensemble, d’avant l’histoire à après sa fin, au-delà et outre-espace inclus. Branchée sur les flux qu’on ne comprend pas, elle donne la sensation de prendre le pouls de toute chose ; végétale, minérale, animale, vivante, inerte, véridique ou merveilleuse, passée et future. “On nous parle souvent de chamanisme, explique Avey Tare. Si ça se rapporte au fait de canaliser les énergies, provoquer une certaine forme de communication, avec autre chose ou avec d’autres sphères, ça se rapproche peut-être de ce qu’on cherche, notamment sur scène. On veut que le public sente qu’il fait partie de quelque chose, d’un grand tout – tout comme nous d’ailleurs. On nous parle aussi souvent de psychédélisme, mais l’idée ne renvoie généralement qu’à la musique des années 60 et 70. Or je pense que le hardcore des années 80 ou encore la musique industrielle provoquent les mêmes effets sur les esprits.”
On le sait depuis longtemps, Animal Collective est un groupe majeur : Arty, parfois terriblement exigeant et toujours totalement intenable. Beaucoup sont donc restés sur une première image de groupe surfait et survendu, cérébral et imbitable. Beaucoup sont passés à côté du virage pop du groupe, sur Sung Tongs (2004) d’abord, sur le grandiose Feels (2005) ensuite, sur le chef-d’œuvre Strawberry Jam désormais. Les délires tribaux, les falaises expérimentales et les morceaux abscons du groupe se sont, peu à peu, nourris de sucre et de mélodies, se sont cadrés, structurés. Animal Collective fait désormais de vraies chansons. “Une chanson a une définition académique, explique Panda Bear, c’est de la musique organisée, qui offre une certaine intensité. Nos morceaux sont des chansons : leur base est, la plupart du temps, quelque chose de cadré, d’organisé, c’est d’ailleurs souvent une mélodie. Mais le cadre se laisse toujours déborder.”
Pas déborder, petit Panda : exploser. Car les chansons, Animal Collective les fait détonner à sa manière dingo : folk et électroniques, primitives et futuristes, grandioses et tarées, expérimentales et touchantes, bourrées de pièges vicieux et d’airs sorciers. A ce petit jeu, Strawberry Jam est, sans doute, l’album le plus abouti du groupe. “Ce qui nous fait avancer, dit Geologist, c’est l’idée de l’inconnu : on aime aller dans des endroits qui ne sont pas familiers, où on ne ressent pas vraiment de confort. C’est un moyen de rester frais, le processus doit changer en permanence. On savait qu’on ne voulait pas un Feels n° 2. On a voulu quelque chose de plus cristallisé, de mieux sculpté, mieux aiguisé. Feels était plus… aquatique.”
Jamais l’art très particulier d’Animal Collective ne s’est à ce point affirmé : un mélange, formidable pour tuer l’ennui du cœur et raviver les désirs, de plaisirs mielleux et de frayeurs indicibles, de complications et de récompenses. Des cris glaçants succédant à une mélodie neigée du paradis, une épuisante boucle sonore hantant une harmonie vocale épiphanique. “On ne veut pas que les gens se sentent mal en nous écoutant, ça doit être une expérience intense mais agréable, confirme Panda Bear. Mais on veut parfois, dans le même temps, que les gens se sentent un peu confus et perdus. Ça peut aussi être agréable…” La carotte et le bâton, souvent en même temps, c’est beaucoup plus sain.
En récente tournée, quelques semaines avant la parution de Strawberry Jam, les New-Yorkais n’ont joué qu’une pincée de morceaux de leur nouvel album, au diable la promo. A Paris, les 17 et 18 juillet, dans le cadre intime de la Maroquinerie, ils ont ainsi donné une leçon d’audace dont beaucoup de musiciens devraient s’inspirer. Les caméras des Inrocks.com étaient présentes pendant les balances du groupe le deuxième jour, capturant sur bande un peu de cette folie musicale pour notre neuvième Inrocks Sesssion. Découvrez dés maintenant les titres Doggy, Chores et Leaf House.
Nous vous les faisons découvrir aujourd’hui, en attendant le retour du groupe en France, le 24 octobre à Paris (Cabaret Sauvage) et le 25 à Lyon (Ground Zero).
Réalisation : Alexandre Buisson. Caméras : Magali Bargain & Martin Cazenave.
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