Ils aiment Gainsbourg, Pete Doherty, NTM et ne s’intéressent pas aux baby rockers. L’un aurait voulu faire partie d’un groupe, l’autre est tenté par le cinéma. Entretien croisé entre Benjamin Biolay et le leader des BB Brunes Adrien Gallo, nouveaux chouchous des charts.
Adrien, t’es-tu senti porté par la scène des baby rockers ?
Adrien Gallo – Pas vraiment, nous avons formé le groupe au moins quatre ans avant le début de ce mouvement. On ne connaissait aucun des groupes qui y étaient associés et honnêtement on n’a pas cherché à les rencontrer. Quand on nous a tous rassemblés pour des photos, on ne s’est pas enfuis non plus : on se disait que ça ne pouvait être que positif. J’ai compris assez vite qu’il fallait composer avec ça, que la démarche d’un artiste ne se voyait vraiment qu’au bout de quelques années. Au début, tout le monde cherche à vous rattacher à un courant, une mode, une scène et il n’y a rien à faire contre ça.
Benjamin Biolay – On fait partie de la génération qui n’a pas pu se battre contre ça. Quand j’ai découvert les Smiths, c’était différent. On ne parlait pas de groupe pop, gay, machin, on nous disait juste : “C’est un groupe de Manchester, va les voir et apporte des fleurs.” C’est plus tard qu’il y a eu la dictature du pitch. On n’a jamais demandé à Clash de dire qui ils étaient avant de monter sur scène, le boulot était fait après par les journalistes.
Chez les groupes anglosaxons plus récents, quels sont ceux qui vous ont marqués et vous marquent encore ?
Adrien Gallo – Les Strokes, et bien sûr les Libertines. Pete Doherty est une de mes influences majeures. Je l’ai découvert à 14 ans avec les Libertines, ce truc très à l’arrache avec des fausses notes, qui sonnait pourtant vachement bien.
Benjamin Biolay – Les Libertines, c’était quelque chose, c’est vrai… Hyper malin mais pas toujours très maîtrisé. Après, il y a eu Babyshambles, et tout de suite Doherty a réussi à sortir des titres assez matures. Son dernier album est vachement écrit alors que le mec a 30 ans à peine.
Vous avez beaucoup écouté Nirvana ?
Benjamin Biolay – J’adorais Kurt Cobain. Il m’a même dédicacé mon passeport. A l’époque de la dernière tournée de Nirvana, je vendais leurs T-shirts et ceux de Patricia Kaas : joli grand écart, non ? Patricia Kaas ne m’a pas salué une seule fois et Kurt venait me serrer la main tous les jours. Sur scène, c’était dingue. Il se mettait dans les pires des états mais pourtant ça tenait la route. J’étais à Rome quand il a fait sa tentative de suicide, les gens de la tournée étaient effondrés. Le jour où il est mort, j’ai pris un gros coup sur la tête. Il aurait pu faire de grandes choses, il aurait parlé à l’Amérique, un peu à la Dylan. Du coup, Eminem l’a remplacé…
Adrien Gallo – J’ai creusé tous les albums aussi, j’aimais sa rage, il a beaucoup compté pour moi.
Vous croyez à l’idée que le rock n’est pas seulement de la musique mais aussi un style, une attitude, des vêtements ?
Adrien Gallo – Oui. Pour moi, le style, c’est un prolongement de l’expression musicale. J’ai été très attentif à la façon de s’habiller des Stones, des Small Faces. J’aime bien l’idée de ces bandes de mecs sapés, c’est assez classe.
Benjamin Biolay – Je suis arrivé à un moment où il n’y avait plus aucune unité, même vestimentaire. A Lyon, je traînais avec les mecs de L’Affaire Louis Trio dont le chanteur avait une banane sur la tête et un costume trois-pièces, vous voyez le genre. Tous les groupes lyonnais avaient explosé, les mecs étaient guitaristes, sculpteurs, graphistes… Plus rien n’allait ensemble.
Adrien, comment vois-tu l’avenir ? Benjamin est-il un modèle pour toi ?
Adrien Gallo – Comme lui, j’aimerais écrire pour d’autres, produire, tourner dans des films. On ne m’a pas encore appelé ni pour l’un ni pour l’autre, peut-être parce que je suis encore jeune. De nombreux très bons interprètes manquent un peu de chansons, j’aimerais pouvoir les aider…
Maintenant que tu as dis ça, tu vas devoir donner des noms…
Adrien Gallo – Ah non (rires)… Je ne sais pas, France Gall…
Benjamin Biolay – Oh oh… Adrien, tu voudrais tourner dans quel type de films ? Tu sais que pour un rôle dans Les Beaux Gosses, c’est trop tard…
Adrien Gallo – (Rires)… Je suis plus Scorsese ou Jarmusch, des cinéastes américains. Le cinéma, c’est encore un peu loin pour moi. Tu as fait comment, Benjamin ?
Benjamin Biolay – Un jour, on m’a proposé un truc qui m’a plu et c’est parti comme ça, je n’avais rien projeté, j’y ai pris goût plus tard.
Benjamin, ton triomphe aux Victoires de la musique reste un bon souvenir ?
Benjamin Biolay – C’est une des meilleures choses qui me soient arrivées, j’ai essayé d’en profiter même si j’avais un horrible mal de dos. J’ai simplement voulu citer les gens qui n’ont pas été nommés, comme Diam’s, Emilie Simon et Phoenix… Je ne comprends pas pourquoi ils n’étaient pas à nos côtés, vraiment…
Le succès d’un groupe comme Phoenix vous donne envie d’écrire en anglais ?
Adrien Gallo – Oui, ça me plairait beaucoup. Je m’en sens capable, c’est une des prochaines étapes. Phoenix, je suis fan, je les ai vus sur le net jouer au Saturday Night Live, c’est vrai que ça fait envie…
Benjamin Biolay – Je retiens surtout de Phoenix le boulot qu’ils font, la patience qu’ils ont. Les mecs ont su attendre leur heure, se tuer au travail pour que ce soit parfait, assumer enfin leur côté rock avec une production très fine. Aujourd’hui, ils sont tout simplement au top, sur disque comme sur scène. Vraiment impressionnant. Je suis un fou de musique et quand je vois des mecs comme ça qui sont à fond, je suis heureux.