Que ce soit sous son nom ou sous celui de Dr Rockit, l’Anglais Matthew Herbert peut s’enorgueillir d’avoir apporté fantaisie et vie aux musiques électroniques. Cet excentrique est plus qu’un farceur du sampler : directeur moral sans prétention, il ouvre la voie de l’electro à visage humain. La musique électronique a encore beaucoup à offrir, […]
Que ce soit sous son nom ou sous celui de Dr Rockit, l’Anglais Matthew Herbert peut s’enorgueillir d’avoir apporté fantaisie et vie aux musiques électroniques. Cet excentrique est plus qu’un farceur du sampler : directeur moral sans prétention, il ouvre la voie de l’electro à visage humain.
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La musique électronique a encore beaucoup à offrir, les artistes doivent seulement se montrer plus imaginatifs. » Matthew Herbert peut se permettre de montrer du doigt ses collègues paresseux, on ne pourra pas le blâmer, lui, pour un déficit d’idées. En moins de dix ans, Herbert s’est taillé un rôle ambitieux dans la scène techno : celui de fureteur, d’empêcheur de tourner en rond. Alors que la plupart des dompteurs de souris se contentent souvent d’un soupçon d’inspiration, cet Anglais loufoque continue de se torturer les méninges pour trouver, à chaque enregistrement, un nouvel angle d’attaque. Par miracle, cette quête de l’originalité n’a jamais ressemblé à un chemin de croix âpre et austère : l’état d’esprit qui anime ses productions sous les noms de Dr Rockit, Radioboy ou tout simplement d’Herbert reste constamment ludique et euphorique. Ainsi, ses apparitions live avec des accessoires saugrenus (paquets de chips ou talkie-walkie) sont entrées dans la légende. Récemment, il poussait le vice jusqu’à nourrir son appareillage électronique des faits et gestes de l’assistance. « Il est important de modifier le processus du concert. En tant que spectateur, je veux comprendre. En tant que musicien, j’essaie que mes concerts soient des événements uniques. » En raison de ce haut degré d’exigence, Herbert sera une des valeurs sûres du festival Aquaplaning à Hyères. Un festival qui confirme la tendance, en matière de musique électronique, du « concert-événement ». De l’espoir Gel au vétéran Zend Avesta, ils seront en effet nombreux à sortir leurs œuvres du confortable home-studio pour un passage, risqué, à la lumière. Et si Arnaud Rebotini ou Leila n’hésiteront pas à requérir les services d’accompagnateurs la toujours charmante Mona Soyoc pour le Français , Herbert ne viendra pas non plus seul. Avec Dani Siciliano, chanteuse américaine découverte pour le précédent album Around the house, et un guitariste jazz, il formera sans nul doute un trio à la hardiesse salvatrice. Car avec l’âge, ce risque-tout endurci semble en effet quitter progressivement le monde de la techno pour aborder des contrées plus acoustiques et personnelles. Mais, comme son nouvel album, le très azimuté Indoor fireworks, le démontre, le sampler conserve son rôle fondamental dans l’aventure : toujours branché, il reste l’élément moteur de cette migration. « En utilisant le son d’une fourchette ou de la fermeture d’une rame de métro, je sors ces bruits de leur contexte et les assemble, j’en tire une mélodie, une rythmique. Tous ces sons auxquels on ne prête plus attention possèdent en eux de la musique, il suffit de la déceler. » Héritier rigolard de Pierre Schaeffer, Herbert louvoie entre le gag et le QI, personnage insaisissable que les institutions
(le Centre Beaubourg) et les stylistes de mode viennent débaucher sans arriver à en tarir la créativité.
Pour le styliste Gaspard Yurkevitch, Herbert aura ainsi déambulé dans un grand magasin parisien, tentant ensuite d’en réinventer l’atmosphère. Sur Indoor fireworks, le chef-d’œuvre s’appelle Café Le Flore, magnifique ode à la vie parisienne chic. Pendant huit minutes paradisiaques, balais jazzy, accordéon mélancolique et pointes de guitare se frottent en toute décontraction aux bruits de comptoir, à l’ambiance du temple snob du Quartier latin. « Quand je viens à Paris, je me rends à quelques expositions, je suis la vie culturelle française. J’ai d’ailleurs un peu étudié votre littérature, notamment Molière. Hier, nous avons bu du vin dans le Quartier latin, c’était formidable. »
Terriblement à la mode et de bon goût, cet iconoclaste pourrait se révéler superficiel, se résumer à un esprit malin, retranché derrière une façade clinquante et rusée. Son nouvel album, aux implications musicales tellement plus vastes que chez ses compagnons de bacs, impose pourtant une vérité plus dérangeante et heureuse : il se cache du vrai génie dans le maigre corps de ce trentenaire. Car son talent dépasse la simple aptitude au collage pour atteindre celui des vrais créateurs. Si jamais dans vingt ou trente ans, son auteur avait droit à sa notice biographique dans une encyclopédie, Indoor fireworks ferait sans doute figure de charnière, de point d’ancrage d’une nouvelle carrière complètement libre de s’épanouir en dehors de tout carcan. Mise en quarantaine, la house n’a plus droit qu’à l’atmosphérique et littéralement aquatique Eau d’Erik. Délaissée, elle doit voisiner avec des chansons pop trafiquées (Summer love, The Whistler) de l’electro bizarre mais aussi Classical piece, un morceau orchestré, vraie BO en devenir. Dans cet éclectique et bigarré défilé, certains modèles tiennent parfois du gadget, de la virgule ; d’autres brillent par une écriture à la fois rigoureuse et originale. Tous se trouvent unis par la même volonté de dépassement. « Quand j’ai une idée, je travaille jusqu’à parvenir à sa conclusion. Ce disque représente uniquement mon travail de l’année passée, tout ce que je compose actuellement est très différent. J’aime les erreurs, comme lorsque tu as en face de toi un superbe immeuble et que ton regard est attiré inexorablement par le seul balcon où est étendu un pantalon. En fait, en musique, je suis à la recherche des pantalons qui sèchent. »
Nonobstant l’hédonisme affiché, Herbert n’est pourtant pas l’un de ces DJ prudemment déconnectés du monde réel. Etudiant à ses heures libres (l’économie du xixe siècle à l’université), il demeure un insatiable militant, inondant Tony Blair et son gouvernement de lettres et conseils. Cette volonté d’implication politique aura vécu sa première concrétisation sur Indoor fireworks avec Hymninformation, protest-song consacrée à la désinformation et exécutée au piano avec un improbable chœur en soutien. « Pour la première fois, une de mes chansons contient un message. »
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