Alexandrele bienheureux. Esprit rebelle adepte des détournements et des collages, Alexandre Rabinovitch secoue joyeusement l’académisme d’aujourd’hui. Musique nouvelle Né à Bakou, en Azerbaïdjan, Alexandre Rabinovitch découvre la musique contemporaine à Moscou, où il entre au conservatoire. Les impressions du jeune musicien devaient être, au milieu des années 60, assez étranges. A cette époque, en effet, […]
Alexandrele bienheureux. Esprit rebelle adepte des détournements et des collages, Alexandre Rabinovitch secoue joyeusement l’académisme d’aujourd’hui.
Musique nouvelle Né à Bakou, en Azerbaïdjan, Alexandre Rabinovitch découvre la musique contemporaine à Moscou, où il entre au conservatoire. Les impressions du jeune musicien devaient être, au milieu des années 60, assez étranges. A cette époque, en effet, la capitale soviétique vivait dans le culte des idoles romantiques (Beethoven, Schubert, Brahms), associé à celui des nouvelles figures du xxème siècle, Prokofiev et Chostakovitch (précédés par Scriabine) et à une certaine fascination pour l’avant-garde occidentale (Messiaen et Stockhausen), encore méconnue en URSS et sous le coup de la censure pour cause de « déviation » esthétique… Mais le poids de l’Histoire a peu de prise sur cet esprit rebelle. Son intérêt est ailleurs, malgré l’enseignement très officiel de ses professeurs Kabalewski et Pirumov, car il découvre les boucles sonores minimalistes d’In C, de l’Américain Terry Riley. Un coup de foudre qui l’oriente définitivement vers une musique basée sur la répétition et le collage, où il retrouve d’ailleurs, peut-être, refondé sous une autre forme, le principe d’un rituel ancestral, entre l’incantation du mantra oriental et la psalmodie du texte religieux. Trop marginal pour l’institution soviétique, il quitte la Russie en 1974 pour la France. Mais là encore, le milieu musical officiel le boude, trop infatué par un néosérialisme académique et poussiéreux… Il ne lui reste plus qu’à rire de la situation, à coups de compositions aussi cyniques qu’ubuesques : Discours de la compassion, Musique triste, parfois tragique autant de pieds de nez à des titres d’oeuvres occidentales aussi guillerets que Archipel v, Structures ou Antithèse 28. Plus de vingt ans plus tard Alexandre Rabinovitch est désormais installé à Bruxelles , sa musique n’a rien perdu de son impact et de son originalité. La preuve ? Ce nouveau disque baptisé Incantations, tout aussi furieux et magique que les précédents, où les claviers ruissellent à profusion, soutenus par une éclatante armada de vibraphones et de marimbas euphoriques (Incantations) et où tous les musiciens d’un orchestre apprennent à tirer la grimace en choeur (La Belle Musique n° 3). Objets trouvés et détournés, deux thèmes empruntés à Brahms et Schubert dans Liebliches Lied, pour quatre mains (les pianistes complices Martha Argerich et Alexandre Rabinovitch) servent de gris-gris extatique, secoués joyeusement, jusqu’au vertige.
Franck Mallet