Autopsie d’un mythe biaisé, d’un gâchis phénoménal. Toute sa pauvre existence, Johnny “Thunders” Genzale n’aura fait que mettre en scène sa propre déchéance. Pour de vrai, sans trucage, sans accessoire, sans filet. Drôle d’histoire triste, chronique malaisée d’un naufrage consenti, d’un suicide patient. Difficile d’expliquer cette quête éperdue du vide, cette marche complaisante vers le […]
Autopsie d’un mythe biaisé, d’un gâchis phénoménal. Toute sa pauvre existence, Johnny « Thunders » Genzale n’aura fait que mettre en scène sa propre déchéance. Pour de vrai, sans trucage, sans accessoire, sans filet. Drôle d’histoire triste, chronique malaisée d’un naufrage consenti, d’un suicide patient. Difficile d’expliquer cette quête éperdue du vide, cette marche complaisante vers le néant, sans sombrer dans le piège de la mystique du rocker maudit ou dans l’énumération de clichés usés jusqu’à la corde, ce jargon misérable des embaumeurs professionnels. « Street credibility… héroïne… martyr rock’n’roll… autodestruction… Gibus… Les Paul Junior… jungle urbaine… poésie de la rue… danse des ténèbres… » : fatras morbide pour fans aveuglés par l’aura livide d’un héros qui s’immolait soir après soir sur des scènes minables avec l’air hébété du type que sa vie encombre. Le Johnny Thunders des eighties ersatz du guitariste fondamental des New York Dolls, ombre incertaine du junkie flamboyant des Heartbreakers , c’est d’abord celui d’In cold blood ou Have faith. Un songwriter paumé, tari par la dope, un saltimbanque amorphe toujours en quête de cash, prêt à n’importe quel deal disque foireux pour s’en procurer. In cold blood, par exemple, hybride de live accablant et de studio ectoplasmique, manifeste outré d’impuissance artistique. Ou bien encore ce Have faith à bout de souffle, énième live alimentaire, enregistré au Japon en fin de parcours, quand tout était consommé depuis si longtemps. Mais le vrai Johnny Thunders de ces années de débine, c’est avant tout celui, prostré, d’Hurt me. Là, pour le coup, on tient un grand disque. Malade. Le disque aveu d’un type qui se sait condamné et qui déballe fébrilement le peu qui lui reste en pleine lumière crue : une guitare en bois dérisoire, quelques frayeurs d’enfant, une voix de gosse abandonné dans le noir, un bouquet de chansons fanées. Sur Hurt me, Johnny chante comme le Neil Young sous psychotropes d’On the beach, dans la même cellule capitonnée que le Syd Barrett de The Madcap laughs. Lambeaux de folk tremblé, chevrotant de peur et de fièvre, absurdement décharné, bêtement démuni, musique de dernière extrémité. Ça pourrait être complètement indécent, c’est fascinant, parce que totalement innocent l’innocence des dadais qui, même au seuil de la mort, n’ont jamais songé à vieillir un tant soit peu.
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