Immobile, en équilibre. Sous la légèreté et la désinvolture apparentes, il ne fait pas bon vivre dans Immobile, album aux charmes empoisonnés.“L’art du funambule n’est pas un art de mort, mais un art de vie de vie vécue à l’extrême de la vie.” C’est peut-être dans les mots de Paul Auster qu’il faut chercher […]
Immobile, en équilibre. Sous la légèreté et la désinvolture apparentes, il ne fait pas bon vivre dans Immobile, album aux charmes empoisonnés.« L’art du funambule n’est pas un art de mort, mais un art de vie de vie vécue à l’extrême de la vie. » C’est peut-être dans les mots de Paul Auster qu’il faut chercher les clés de l’univers fragile d’Autour De Lucie. Ou peut-être bien dans l’œuvre entière du peintre Hopper, à cette frontière mouvante de la perception sur laquelle s’étripent depuis la nuit des temps les mondes du visible et de l’invisible. Car c’est bien de cela qu’il s’agit sur Immobile, deuxième album de ce trio né d’un malentendu il y a près de quatre ans, où la confortable évidence du signifié mots simples et mélodies limpides est sans cesse remise en question par la pire des violences : celle de l’ennui et des non-dits qui infectent chacune des relations (Selon l’humeur, Sur tes pas). Celle d’un ailleurs terrifiant où irait tranquillement paître le troupeau de nos promesses non tenues. Celle de nos actes manqués, lancés dans une terrible valse des remords sur le magnifique Qu’avons-nous fait ? Une violence sourde, d’une densité parfois étouffante, qui occupe méthodiquement tous les espaces négligés de nos existences et qui n’affleure ici qu’à de rares exceptions (Je vous ai tué ce matin, La Vérité…). Ou comment permettre à l’auditeur de reprendre son souffle en attendant les deux pauses instrumentales prévues à cet effet : Sagrada familia et ce trop bref hommage à John Barry qu’est Atomium. De la fausse indolence qui nimbait les derniers soupirs de L’Echappée belle il y a deux ans et demi aux inquiétantes perspectives d’Immobile, le propos d’Autour De Lucie est resté d’une rare homogénéité : opposer le silence au déferlement d’images et de sons censés combler nos absences pour amener l’auditeur à se risquer au bord de ses gouffres intimes. Puis, pas à pas, au-dessus de l’abîme : là où la voix de Valérie se fait aussi indispensable que la main d’un guide et où les guitares, plus présentes que jamais, redoublent d’adresse pour faire glisser chaque titre sur l’éventualité d’une chute de l’immanence du mouvement dans l’immobilité et rendre le spectacle plus captivant encore. Ainsi, la musique d’Autour De Lucie a cela de commun avec le métier de funambule qu’en entraînant chacun de nous à jouer à chat-perché avec l’inconnu, elle devient l’expression d’une vie pleinement assumée.
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