Toujours insaisissable, le hip-hop des Roots s’installe dans les orthodoxies pour les ronger de l’intérieur, par surprise. Novateurs, originaux, ambitieux : ainsi allaient les premières casseroles accrochées aux Roots par la critique, dès leur Do you want more ! de 1994. Alors que les rabat-joie prédisent une asphyxie imminente du rap, eux lui apportent l’oxygène. […]
Toujours insaisissable, le hip-hop des Roots s’installe dans les orthodoxies pour les ronger de l’intérieur, par surprise.
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Novateurs, originaux, ambitieux : ainsi allaient les premières casseroles accrochées aux Roots par la critique, dès leur Do you want more ! de 1994. Alors que les rabat-joie prédisent une asphyxie imminente du rap, eux lui apportent l’oxygène. Deux ans plus tard, et alors que plus personne ne semble s’inquiéter de la santé respiratoire du rap, les Roots opèrent un retour à haut risque : on appelle ça le syndrome du deuxième album, virage effroyable à négocier pour qui a commencé le parcours à tombeau ouvert, le culot dans le rouge. Illadelph half-life laissera les morbides spectateurs de ce virage dangereux sur leur faim : les Roots quittent la piste pour trouver une nouvelle voie. En s’éloignant de leur son volontiers live et chatoyant, mais si peu orthodoxe que la suspicion était de mise dans le cénacle des puristes. Une incompréhension chronique qui avait vu les Roots affublés de l’étiquette « rap alternatif », comme on refilait une clochette aux lépreux. « Gling gling », danger pour la communauté. Sans doute soucieux de rallier les suffrages de la communauté hip-hop, les Roots se sont recentrés avec cet album sur une musique qui flirte plus avec les fondements du rap, où la basse de Hub est mise en boîte sur certains morceaux et où la caisse claire samplée de la batterie de Brother uestion tourne en boucle sur d’autres. Triste, de voir ce groupe autrefois accroché à une farouche ligne de conduite réduit à singer, sur Clones ou Concerto for the desperado, la banalité de la concurrence. C’est à la force de rythmiques à la finesse assassine repérées notamment sur No great pretender, Respond/react et surtout les fabuleux Section et Episodes que les Roots se démarquent ici. Grâce également à la fluidité des deux rappers Malik B et Black Thought, qui gagnent ici en assurance et en rigueur, parfaitement épaulés par les exploits de Rahzel la boîte à rythmes humaine et la poésie résolument sociale d’Ursula Rucker (Adventures in Wonderland). Un enthousiasme qui peine à gagner les invités pourtant prestigieux Common Sense, Q-Tip, Bahamadia, D’Angelo ou un Groove Theory , trop réservés alors que les Roots leur offraient ici une formidable occasion de se transcender. Seul Raphael Saadiq, de Tony! Toni! Tone! se surpasse ici, en produisant le très futé What they do, futur ami intime de votre station de radio. A l’instar d’un album à l’inconsistance parfois frustrante mais pourtant capable de toutes les audaces, de toutes les astuces dès que les Roots retrouvent la marge et ses jeux. Pour qui s’amuserait à reprocher au groupe de renier ses valeurs fondatrices, les malins Roots devancent toute invective en concluant « qu’ils demeurent encore une énigme pour eux-mêmes et que leur concept n’a pas encore véritablement éclaté au grand jour ». Une quête musicale fascinante à suivre.
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