L’Iguane présentait son dernier album « Post pop Depression » à Austin.
Non, Iggy n’est pas mort. C’est Ziggy qui est parti dans sa dernière nuit martienne. Iggy lui est toujours là. Il était même sur les planches du Moody Theatre d’Austin en tête d’affiche du festival texan South by South West. C’était le 16 mars 2016, et il a joué Lust for life – la chanson phare de Trainspotting – d’entrée de jeu, avec cette dream team improbable réunie autour de lui pour son nouvel album, Post pop depression: Josh Homme, le cerveau des Queen of the Stone Age et Eagles of Death Metal, Dean Fertati de Dead Weather et Matt Helders le batteur des Artic Monkeys. Un quatre majeur complété pour la scène par Matt Sweeney (Chavez) et le compagnon d’arme de Homme dans les Queens, Troy Van Leeuwen.b
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Non, Iggy n’est pas mort. Et l’héroïne, il l’a chassé depuis bien longtemps de sa vie comme on fout dehors une vieille sorcière, même si son nouvel album rappelle les vertiges de ses années poudrées. Normal, Josh Homme a modelé toutes les musiques de ce Post Pop Depression sur les bases injectées dans les deux disques des années berlinoises, quand Iggy halluciné se réinventait avec David Bowie sur The Idiot et donc Lust for Life. Et parce que personne n’imaginait Iggy et supermen se limiter en live aux seuls neuf nouveaux titres, il fallait s’attendre à voir ressurgir des versions repensées des titres de l’époque référence. Il ne pouvait pas en être autrement.
Une équipe galactique
Une demi-chanson suffit à comprendre que ce qui se passe là n’a rien de commun avec tout ce que Iggy a donné à voir depuis 25 ans. Ce groupe travaille ensemble depuis quelques mois à peine, il n’en est qu’à sa seconde sortie publique, mais il tourne avec le génie et la fraicheur d’une mécanique rôdée depuis des siècles. Josh Homme s’en tient à cette admirable attitude du chef d’orchestre discret. Il a l’exigence douce et le coup d’œil complice, drive en capitaine son équipe galactique. L’atmosphère est pensée, maitrisée, travaillée dans cet esprit de dissonance qui irradie l’album. L’écrin doit permettre à Iggy de glisser en toute liberté vers son instinct de bête de scène, de pouvoir circuler au choix entre son épaisseur de crooner et ses crises de derviche-tourneur. Sauf qu’à 68 ans tapés, il reste un grand sensible à l’électricité et ce soir, il a demandé la pleine puissance. Alors Josh Homme et son gang ont fait tonner l’orage.
A Austin, le thermomètre a tutoyé 27° l’après midi, dans une moiteur toxique. Et il en fait autant dans le Moody Theatre… Alors oui, Iggy a tombé la veste dès le deuxième morceau Sister Midnight. Il jouera torse poil et en pantalon de costard. Pas comme la veille où devant les caméras de SXSW, il avait gardé la tenue de ville dans un concert très soft. Hier, il faisait le job, mais là, il a convoqué le bruit et la fureur. Plus question de présenter l’album puis d’ouvrir la set list au répertoire de 1977. Non, Iggy est là et il a retrouvé son jeu de quille favori : la surprise, la métamorphose des lignes, la confusion des époques, l’énergie pure. Non, Iggy n’est pas mort.
« Thank you… fuck«
Le Moody Theatre est une de ces salles qu’on construit dans les pays où la musique fait partie des gènes. Tout y est parfait, du volume au plafond à l’acoustique jusqu’à la disposition : un parterre, un étage assis et un poulailler. Et dans les étages supérieurs, on est un peu coincé du clap. Il doit s’agir d’archéologues ou d’étudiants scientifiques. Alors, Iggy se moque en leur faisant des caquetages entre chaque morceau, il les interpelle de la main « ouh ooouuuh« , les invective avec des « I love you » dans un sourire aussi désespéré que sarcastique, puis les insulte : « Thank you… fuck« . Il vient de leur servir des titres des titres qu’il n’a pas joués depuis des décennies, Funtime, Some weird sin, Tonight, Sixteen… entrelacés dans une évidence sonique époustouflante avec American Valhalla, German Days et le discoïde Sunday du dernier Post pop depression , qui auraient du les soulever des sièges. Rien n’y a fait, pas même un véritable stage diving dans les règles de l’art… à presque 70 piges. Il sait que ceux- là ne bougeront pas tant qu’il ne leur servira pas les berlingots du panthéon. Alors, il a décidé de sonner l’heure du goûter… pour qu’ils desserrent les bras, au moins. Nighclubbing pour commencer, joué en V.O, la guitare Homme en plus, toute en riff courts, chirurgicale. Frémissements.
Quand Josh enroule les premières notes du Passenger, ses efforts sont enfin récompensés. Dans la fosse, deux barbus à casquette se tombent dans les bras, les étudiantes se mettent à onduler et ça s’agite enfin dans le poulailler où on se met même à reprendre en chœur. La la la la la-la-la-la. Et comme il ne faut jamais lâcher une piste de danse, Iggy fait valser China Girl. C’est sa première sortie depuis longtemps, mais elle n’a pas pris une ride, mieux : elle a rajeuni sous les soins du meilleur groupe que n’ai jamais eu Iggy dans son ère moderne. La voilà rallongée, maquillée en pièce d’art brut avec une suite instrumentale où la mélodie se perd dans une diabolique spirale sonique. Devant l’oeuvre, Iggy s’est retiré en fond de scène pour laisser ses musiciens, raconter leur China Girl. Elegance.
Une tournée d’adieu ?
Le final aurait été superbe, mais il aurait manqué quelques éléments au puzzle pop. Break into your heart et Gardenia en premier lieu, les figures de proues de Post pop depression mais surtout, Paraguay : acte final du nouvel album, au croisement de la mélodie et du pamphlet colérique où Iggy dégomme l’Amérique d’aujourd’hui, les breaking news et l’aculturation croissante d’un génération obnubilée par la célébrité. De quoi saluer cyniquement avec ce Success sorti des oubliettes depuis quarante ans.
De ce Post pop depression, Iggy disait qu’il « pourrait être le dernier« . Alors, ce serait une tournée d’adieu qui commencerait aux Etats-Unis puis en Europe avec cet événement à Paris le 15 mai. Un dernier baroud auquel personne ne croira désormais car, comme il le dit dans Paraguay : « I won’t stop to say goodbye« .
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