Evadé de Deus, Stef Kamil Carlens marche aujourd’hui sur les traces de Captain Beefheart sous le nom de Zita Swoon, avec un brillant nouvel album. “La belle époque est terminée à Anvers. Tout ce que la ville comptait de romantique est en train de s’éteindre. Je ne vois plus grand monde à Anvers, à part […]
Evadé de Deus, Stef Kamil Carlens marche aujourd’hui sur les traces de Captain Beefheart sous le nom de Zita Swoon, avec un brillant nouvel album.
« La belle époque est terminée à Anvers. Tout ce que la ville comptait de romantique est en train de s’éteindre. Je ne vois plus grand monde à Anvers, à part Tom Barman, avec qui je suis resté très lié. Nous sommes même plus amis maintenant qu’à l’époque où nous étions tous les deux dans Deus. » Stef Kamil Carlens va bientôt quitter le bercail et faire ses valises pour les Cévennes dans le sud de la France. Stef n’a jamais pu tenir en place, écartelé entre les mille bonnes raisons de rester quelque part et les mille bonnes raisons d’en partir. Ainsi, il y a trois ans, Stef avait abandonné Deus la mort dans l’âme, victime de son papillonnage frénétique, de son irrésistible soif d’ailleurs, de rencontres, son besoin pathologique de fuir tout ce qui peut ressembler à une structure qu’il ne contrôle pas.
La scène musicale d’Anvers doit beaucoup à son esprit vagabond, panoramique, puisqu’il a donné à la ville un deuxième laboratoire de recherches, une autre école de jonglage sonore où, comme chez Deus, le rock se conçoit en biais, à contre-formule.
D’abord baptisée Moondog Jr (un seul album sous ce nom : Every day I wear a greasy black feather on my hat) puis Zita Swoon, l’association de défense du carambolage menée par Carlens ne trouve de joie de jouer qu’en cultivant la poésie de l’expérimentation. Il y a deux ans, Zita Swoon avait ouvert sa boutique avec un album défi en recréant une bande musicale pour un film muet, le Sunrise de Murnau (1927). Cet exercice de style a un peu changé sa manière d’écrire, lui a permis d’oser les textes autobiographiques sur l’album I paint pictures on a wedding dress, enregistré dans les chaudrons du bayou et les nuits funky de La Nouvelle-Orléans. Un cadre idéal pour accueillir le complexe échafaudage polyglotte né dans la cervelle de Zita Swoon : une musique pensée, établie sur une formule improbable selon laquelle tout ce qui n’est pas droit tient quand même debout. Sa magie repose sur cette maîtrise du désordre, ce dosage du chaos, cette science innée du son qui permet de trouver une logique constructive à la déglingue.
Impossible d’identifier un genre dans la musique de Zita Swoon, les étiquettes ont valsé depuis longtemps : le blues ripaille avec des clarinettes et des pedal steel, le rock subit une sérieuse montée d’acide, le jazz s’est perdu dans l’espace précisément lorsque la contrebasse est tombée sur un os disco.
Seule la poésie se tirera à moindres frais de ce malaxage sonore aux allures bordéliques. Elle en est même la grande bénéficiaire, comme dans les albums de Captain Beefheart, dont Stef Kamil Carlens a grimé le look sur la photo du dos de la pochette. « C’est un des seuls artistes dont je reconnaisse l’influence. Il savait imposer une poésie brute, très naïve, très directe, et osait une musique tout en cassures, en détournements de rythmes sans jamais donner l’impression qu’il faisait n’importe quoi. Il a tout simplement changé ma vie, transformé ma vision de la musique, m’a appris la notion de respect pour la nature et la femme. Après avoir écouté Beefheart, on n’a qu’une seule envie : se laisser guider par son instinct et se laisser happer par un rythme. » Un seul danger guette maintenant Zita Swoon : se laisser happer par le vide, comme Beefheart.
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