Dans un premier album cultivé et voluptueux, Shivaree accueille un siècle de musiques américaines, de la country à la pop. Au lit. A la tombola des noms prédestinés, la charmeuse en chef de Shivaree a tiré un numéro sacrément prometteur, Ambrosia Parsley. Soit “ambroisie” pour les effluves olympiens et “persil” pour la fraîcheur aromatique d’un […]
Dans un premier album cultivé et voluptueux, Shivaree accueille un siècle de musiques américaines, de la country à la pop. Au lit.
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A la tombola des noms prédestinés, la charmeuse en chef de Shivaree a tiré un numéro sacrément prometteur, Ambrosia Parsley. Soit « ambroisie » pour les effluves olympiens et « persil » pour la fraîcheur aromatique d’un chant papillonnant du rustique au divin. Ne surtout pas se laisser effaroucher par la noirceur pétroleuse du titre mille-pattes (« Je devrais te coller une balle dans la tronche pour m’obliger à vivre dans un pareil gourbi ») l’album commence au clair de lune (Cannibal king), se poursuit au clair de luciole et ne perd jamais d’oreille la claire fontaine du songwriting appalachien. Ambrosia est éclose parmi les ravines sinistrées de Virginie occidentale où, pour oublier la silicose et les affres du grisou, les hommes se grisent d’harmonies azurées (ou, option Hasil Adkins, transforment leur caboche en alambic et distillent des complaintes à faire exploser l’éthylomètre le plus costaud). De la pure country dans le biberon, puis l’Ouest chatoyant en ligne d’horizon, Ambrosia a filé vers la Californie. Chemin (bien)faisant, elle a maraudé un siècle de musiques multicolores. Sur le chavirant album de Shivaree, la country accueillante prend donc en stop des Beatles en liquette cachemire (Arlington girl), le vénérable jazz Nouvelle-Orléans (I don’t care), le trip-hop adolescent (Darling lousy guy), le funk fripouille (Pimp) et des berceuses sages comme des images pieuses (Arrivederci). Du speakeasy à l’église et des rues chaudes aux sentes sylvestres, toute une Amérique de cocagne défile ainsi sur l’écran magique de Shivaree. Le mysticisme sombre et soyeux d’Arlington girl (« Quand elle craint de se dessécher, elle chante comme les sorciers faiseurs de pluie ; elle danse sur des pierres tombales ») illumine le plus envoûtant film « en chanté » qu’on ait entendu depuis le Wrong eyed Jesus de Jim White. Dans le souffle pigeonnant d’Ambrosia, les mystères polaires de Mazzy Star se réchauffent auprès des chuchotements d’alcôve d’Elysian Fields.
On saura gré à aussi formidable chanteuse d’avoir recruté, plutôt que de simples faire-valoir, deux multi-instrumentistes à l’imagination jongleuse. Introduits de longue date dans les cercles sélect de Los Angeles (ils ont joué avec Tom Waits ou Exene Cervenka, de X), Danny McGough et Duke McVinnie promènent un orgue tendu de velours (bleu) et des percussions pompettes dans des chansons aussi ajourées qu’assurées, où miroitent tous les sens de la collision lexicale supérieurement éloquente qu’est Shivaree. « Shiver » signifie « frisson », et « sugaree », c’est bien sûr le sucre, mais aussi, chez Fred Neil, une superbe ode aux tangages charnels (Didn’t we shake sugaree ). Et la fièvre amoureuse, c’est celle qu’on attrape à l’écoute de ce trio voué à mettre les lits en liesse.
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