Comment avons-nous fait pour tenir huit ans sans nouvelles du trio mis sur pied par Paul Motian avec Bill Frisell et Joe Lovano ? Car en écoutant son dernier album, on mesure mieux combien cette formation lancée en 1984 demeure encore l’un des plus grands trios de l’histoire du jazz moderne, avec celui de Bill […]
Comment avons-nous fait pour tenir huit ans sans nouvelles du trio mis sur pied par Paul Motian avec Bill Frisell et Joe Lovano ? Car en écoutant son dernier album, on mesure mieux combien cette formation lancée en 1984 demeure encore l’un des plus grands trios de l’histoire du jazz moderne, avec celui de Bill Evans. La comparaison n’a rien de déplacé : comme dans ce dernier, l’empathie entre les musiciens est sidérante, et la cohésion qui en résulte totale. En constante interférence, les idées fusent, se superposent et circulent au cours d’un échange dont le firmament pourrait bien être la très belle version du standard donnant son titre à l’album. Sur les pulsations bruissantes de la batterie s’épanouissent des volutes de saxophone qui n’en finissent pas de (s’in)sinuer, tout en enrobant les nuances aériennes ? et très country ? de la guitare.
A deux morceau près, toutes les compositions sont ? si l’on peut dire en pareil contexte du leader, et leurs mélodies, quelles que soient la liberté formelle et la subtilité des entrelacs tissés, s’infiltrent dans la mémoire comme des chansons populaires. On ne voit guère en ce moment que les Maneri, père et fils, pour harmoniser une aussi subtile palette de couleurs. Un sens certain de la retenue, une certaine suavité sans emphase ? à l’expression contrôlée, pourrait-on dire ? font que ce groupe ne se départ jamais de sa douceur, même dans les passages les plus enlevés. I Have the Room above Her rejoint la classe de leur éblouissant enregistrement public réalisé à Tokyo en 1991, et célèbre le retour ? que l’on espère définitif et durable ? de ce trio tant aimé.