Deux ans après le superbe “Sarah”, Hyacinthe se réinvente encore et trouve la lumière en croisant la pop, le rap et l’electro.
“Ça va, pas trop déconcerté par le disque ?” Marin Chaboche, alias Hyacinthe, esquisse un sourire rapide avant de boire une gorgée d’un cocktail sans alcool. A vrai dire, si, un peu. Alors qu’on le découvrait en rappeur sombre et souterrain, crachant ses tripes et lançant violemment sa haine à la face des étoiles dans l’album SLRA2 : mémoire de mes putains tristes (2015), on retrouve le Parisien en faiseur de tubes dansants et parfois quasi mignons sur Rave.
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Et si le fond reste à peu près le même, le constat d’échec noir et nihiliste qu’on trouvait dans ses précédents titres a ici laissé place à une lueur d’espoir : “Mais pas de façon niaise. Simplement, j’ai fait le constat que le monde courait à sa perte, et je le pense toujours un peu. Mais qu’est-ce qu’on en fait maintenant ? Je n’ai plus envie de sublimer la dépression. Il n’y a rien de beau là-dedans, et ceux qui en ont fait les frais le savent.”
L’oubli dans les bras de l’amour ou du sexe
Ce genre de réflexion a notamment donné le sublime Il reste quelque chose. “Je me suis aussi rendu compte que j’avais un public. Et je n’ai pas envie de dire aux gens qui m’écoutent que tout va mal, qu’il n’y a plus une seule lumière ici.” Tout au long de Rave, Hyacinthe essaie donc de trouver des solutions pour sortir de ce qu’il appelle la “génération tristesse” des ténèbres.
Et viennent ainsi le lâcher-prise de la danse, l’oubli dans les bras de l’amour ou du sexe, ou encore le combat politique, comme sur Maintenant, morceau cerné de flammes et de révoltes. “Il y a pas mal de choses qui m’énervent aujourd’hui.”
“Mais un titre comme Les Garçons et les Filles est, en un sens, tout aussi politique. Je suis plutôt en phase avec qui je suis de mon côté, mais je trouve passionnantes toutes les questions qui se posent sur le genre, ce qu’est être un homme ou une femme ; toute cette rupture avec les codes établis.”
Loin des cadres et des clichés
Cet affranchissement des règles se ressent aussi, évidemment, dans la forme des chansons. Comme Sarah (2017) avant lui, Rave est effectivement un album inclassable et exigeant, à la frontière du rap (quand même le fil rouge du style de Hyacinthe), de la musique électronique sous toutes ses formes – de la house au gabber – et de la chanson française.
On retrouve ici plusieurs invités de marque : Foda C de Columbine sur le très beau Espérance de vie, les Pirouettes sur le très (trop ?) pop 100 à l’heure, ou encore l’immense espoir P.r2b sur A toi, d’une rare intensité.
Si certaines plages font montre d’une intention tubesque peut-être trop marquée, on retiendra surtout le fait que Rave contient de vrais moments de grâce. Tour à tour poignants, rageurs ou dansants, d’autres morceaux viennent confirmer tout le bien qu’on pensait de Hyacinthe. Réussissant une nouvelle fois à se réinventer avec ce disque de “pop radicale”, le musicien poursuit sa carrière loin des cadres et des clichés, sur une route finalement assez solitaire, car très personnelle.
Rave (Chapter Two Records/Wagram)
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