David Byrne invité sur le disque d’un Texan de souche, cela va autant de soi qu’OJ Simpson convié à un congrès de SOS femmes battues ou que Louis Farrakhan reçu en grande pompe dans une synagogue de Brooklyn. En guise de tapis rouge, le goudron et les plumes s’imposeraient en bonne logique on s’est […]
David Byrne invité sur le disque d’un Texan de souche, cela va autant de soi qu’OJ Simpson convié à un congrès de SOS femmes battues ou que Louis Farrakhan reçu en grande pompe dans une synagogue de Brooklyn. En guise de tapis rouge, le goudron et les plumes s’imposeraient en bonne logique on s’est rarement payé la tête des citoyens du Texas avec autant de jubilation ébahie que le chanteur des Talking Heads dans son réjouissant film True stories.
Seulement, Terry Allen, peintre, sculpteur, écrivain et pianiste rudimentaire, est lui-même un éminent expert en persiflage. Sur son album (semi-)culte Lubbock on everything, il étrillait en 1979 le petit monde nombriliste et donneur de leçons des galeries d’art new-yorkaises (Truckload of art) avec le fiel balistique de Tom Wolfe dans The Radical chic ou de Woody Allen dans ses plus bidonnants exercices d’autoflagellation. Paix des braves, donc. Mais changement de ton, surtout. L’humour ce qu’il en reste est ici d’une noirceur d’encre. Sur fond de ritournelle enfantine (un piano de maternelle joue Frère Jacques), Crisis site 13 rivalise avec le Suzanne de Randy Newman (le soliloque sucré d’un pervers lorgnant sa proie) pour le titre de chanson douce la plus malveillante du monde. Adolescence amochée, requiem pour un idéalisme défunt, After the fall porte le deuil des années Woodstock, du psychédélisme au napalm.
Cette Amérique éclopée reste pourtant vaillante, l’adorable Peggy leg en est la métaphore. La Peggy Sue de Buddy Holly le premier des grands songwriters texans a perdu une guibole, mais son mollet unique et joliment bombé fait encore tourner la tête à une clarinette guillerette, à un violon amoureux. Virulent à l’encontre de son pays, Terry Allen garde sa tendresse pour les estropiés.
That kind of girl affronte sans grandiloquence l’anorexie, les superbes duos (Room to room, Back to black) partagés avec la sublime Lucinda Williams aussi impressionnante d’émotion bosselée que sur le I feel good de Steve Earle plongent dans la mare au cafard de la pure country et en remontent des perles noires, à l’éclat troublant. Et David Byrne, qui prenait autrefois de très haut (vu d’avion, dans The Big country) le petit peuple des grandes plaines, redescend sur terre et joue ici sur un des rares disques qui prennent encore la peine de donner du relief à des existences plates.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}