Connus ou méconnus, ces bluesmen sont quasiment tous des piliers du Chicago Blues. Les Stones fréquentent leurs notes depuis leurs débuts.
Howlin’ Wolf
Comme beaucoup de ses pairs bluesmen, Chester Arthur Burnett, dit Howlin’ Wolf (“le Loup Hurlant”), est né dans le Mississippi avant de monter chercher fortune à Chicago, la Mecque du blues électrique et du blues business dans les années 1950 et 1960, à travers notamment le fameux label Chess. Outre ses talents de songwriter (Evil, Who’s Been Talkin, Smokestack Lightning, Back Door Man…), la marque du Wolf était sa voix carnassière, profonde, rocailleuse, tonitruante, un organe de grand fauve rugissant à la lune que Jagger se fait un plaisir de tenter d’imiter dans la reprise de Commit a Crime.
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Magic Sam
Autre enfant du Mississippi émigré à Chicago, Samuel James Maghett, dit Magic Sam, est l’un des moins connus des maîtres salués par les Glimmer Twins. Sa carrière d’infortune sera perturbée par la consommation d’alcool et de tabac, le service militaire et une santé très fragile. Après un rebond en Angleterre dans les années 1960, il décède d’une crise cardiaque en 1969, à l’âge de 32 ans. Il avait enregistré son tout premier single en 1957, et c’est cet All Your Love que reprennent les Stones, un blues mid-tempo ruisselant et tendu, gorgé de sève et de vibration sexuelle.
Little Johnny Taylor
Un Yoda du blues atypique, pas seulement parce qu’il a vécu à Los Angeles, mais aussi parce qu’il a émergé dans les années 1960, une époque où le rayonnement du blues allait progressivement faiblir et laisser la lumière aux nouveaux courants tels que la soul ou le funk. Epaulés par Eric Clapton, les Stones lui empruntent une chanson de 1971, Everybody Knows about My Good Thing (“Tout le monde connaît mon bon outil”, hum, on se demande bien de quoi il voulait parler), beau blues charnu et langoureux rehaussé de slide qui fait penser à une chute de l’album Layla.
Eddie Taylor
Peut-être le moins connu de cette galerie de vieux sachems, Eddie Taylor a suivi le parcours classique (géographique, économique et musical) de ses pairs en remontant du Mississippi vers Chicago par la Highway 61, la route du blues (Baton Rouge, Natchez, Clarksdale, Memphis, etc.). A Windy City, il fut surtout un session man, habile pistolero de la guitare accompagnant les Jimmy Reed (son pote du même bled à qui il avait enseigné la guitare), Elmore James et autres John Lee Hooker, ce qui vous pose quand même un CV. Il est mort à 62 ans en 1985 dans l’anonymat, enterré dans une tombe sans nom, avant d’être nommé au Blues Hall of Fame en 1987. Les Stones reprennent son Ride ‘Em on Down, un boogie bien fumant.
https://youtu.be/wre7grV1wKQ
Lightnin’ Slim
Beau-frère de Slim Harpo (dont le Shake Your Hips fut repris par les Stones sur Exile on Main Street), Otis Hicks alias Lightnin’ Slim (“l’Eclair Mince”, ou “le Maigre Fulgurant”) a vécu et produit la plus grande part de sa musique en Louisiane, avant de déménager plus tard dans le Michigan. Son blues est donc plus marqué par le creuset louisianais et l’esprit vaudou du bayou que par le shuffle urbain de Chicago. Les Stones lui empruntent d’ailleurs une chanson intitulée Hoo Doo Blues (hoo doo = vaudou), un blues hanté où Jagger fait une imitation de chanteur de minstrel show qui ne manque pas de sex-appeal.
Little Walter
Marion Walter Jacobs est entré dans la postérité comme harmoniciste. Pilier du blues chicagoan (ce sein juteux qui a nourri les bébés Stones et le rock anglais), il a soufflé aux côtés de Muddy Waters, Otis Rush, Bo Diddley, Memphis Minnie…
Il était aussi compositeur et les Stones lui rendent une, deux, trois, quatre fois hommage en reprenant Just Your Fool, I Gotta Go, Hate to See You Go et Blue and Lonesome qui donne aussi son titre à l’album, soit l’arc quasi complet (shuffle, boogie, ballade spleenétique…) du Chicago blues.
Jimmy Reed
Mathis James Reed dit Jimmy est né… oui, dans le Mississippi, avant de partir pour… oui, Chicago, avec son pote Eddie Taylor qui lui avait tout appris. Dans la grande ville, Jimmy Reed devient l’un des piliers du blues chicagoan, à base de guitare électrique et d’harmonica, créateur de multiples classiques du genre, tels Bright Lights Big City, Honest I Do, Baby What You Want Me to Do, Big Boss Man, dont beaucoup furent repris par les Stones sur leurs premiers albums et singles. Avec Muddy Waters, Reed fut sans doute l’influence principale des jeunes Stones (surtout de Keith et Brian) et on n’est pas surpris de les voir reprendre Little Rain, ballade poissée de crachin et de tristesse.
https://youtu.be/MRwQCMRhPyc
Willie Dixon
Un monument. William James Dixon était bassiste mais surtout songwriter, l’un des plus prolifiques du blues. Qu’on en juge : Hoochie Coochie Man, Little Red Rooster, Spoonful, I Just Want to Make Love to You, You Can’t Judge a Book by Looking at the Cover, My Babe sont toutes issues de son cerveau, de ses tripes et de sa plume. Willie fut quasiment à lui seul le géniteur du rock anglais, abondamment repris dès leurs débuts par Led Zeppelin (avec lesquels il batailla judiciairement pour ses droits d’auteur) et bien sûr par les Stones qui décrochèrent un gros hit avec Little Red Rooster. Logique qu’ils rendent aujourd’hui la monnaie plutôt deux fois qu’une avec Just like I Treat You, une cavalcade à la It’s All Over Now, et la pierre de touche, I Can’t Quit You Baby, complainte rampante avec laquelle Led Zep avait inauguré sa discographie.
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