Haines se paie la tête des clichés rock et se noie dans son fiel. De la politique des auteurs au pathétique des Auteurs. De la part d’un misanthrope aussi bouffi de fiel et alerte de la plume que Luke Haines, le projet était amusant : régler en douze coups de sang et de canif l’affaire […]
Haines se paie la tête des clichés rock et se noie dans son fiel. De la politique des auteurs au pathétique des Auteurs.
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De la part d’un misanthrope aussi bouffi de fiel et alerte de la plume que Luke Haines, le projet était amusant : régler en douze coups de sang et de canif l’affaire du rock, du moins tel que voudraient encore le scléroser les fabricants de compilations et autres profiteurs de la nostalgie. Entendre Lucky Luke tirer plus vite que son ombre sur quelques vieilles cibles déjà pas mal amochées, le voir entrer dans la peau morte de ses ennemis et prendre leurs clichés en otage, détourner leur cadavre et réclamer la rançon posthume de leur gloire flétrie, on s’en régalait par avance. C’est mesquin, d’accord, mais depuis New wave, le parfait premier album des Auteurs, ce qui devait être la plus ferme et sérieuse promesse d’avenir au début des années 90 a vite tourné en rond (Now, I’m a cowboy), puis à la catastrophe (After murder park).
Alors tant qu’à faire, après les plus estimables dispersions cagoulées au sein de Baader Meinhoff et Black Box Recorder, ce qu’Haines avait encore de mieux à faire de la coquille fêlée et évidée des Auteurs était cette parodie tranquillement subversive et sans réelle prétention. A défaut d’être des Auteurs de premier ordre, on les voyait bien tenter une seconde carrière dans la série B et réussir assez brillamment telle reconversion modeste. Mais voilà, ce qui aurait dû être un album enlevé et pétillant de malice égrillarde n’est au final qu’une pantalonnade sinistre, un pavé mollement jeté dans une vitrine devant laquelle plus personne ne circule, un coup d’épée dans une eau croupie.
Si on cherchait l’équivalent discographique ultime d’un bon gros navet de cinéma, plus la peine de chercher. Après la politique des auteurs, voici le pathétique des Auteurs. Insupportable à écouter, produit (ou plus exactement non produit) à la truelle, vilain de part en part, How I learned to love the bootboys est une verrue, un petit machin racorni qui ne se montre même jamais digne des sujets qu’il harponne (The Rubettes, la chanson, n’a pour seul intérêt que les emprunts directs à The Rubettes, le groupe). Tout ce qui passe entre les fourches caudines de Luke la main lourde aurait logiquement dû se retrouver broyé menu (des groupes Merseybeat aux hippies, du glam-rock à la pop bubblegum) et ne subit en fait que des dommages superficiels, quelques égratignures sans conséquence. A moins qu’il ne s’agisse, venant d’une personnalité d’habitude si complexe et brillante comme Luke Haines, que d’une mise en scène spectaculaire de son suicide artistique, la mise à mort finale de toutes ses obsessions jusqu’ici accumulées en vrac, un exercice d’autodémolition à la Carax. Avant une possible résurrection qu’on espère enfin à la hauteur de l’Auteur en chef. Rendez-vous dans une prochaine vie.
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