Trente ans ont été nécessaire à It’s Immaterial, mythique duo de Liverpool, pour publier ce troisième album miraculeux. Récit d’un disque fantôme qui soone comme une (ré)apparition.
Avril 1986. Le nuage de Tchernobyl se balade librement au-dessus de l’Europe, tandis que l’Angleterre fredonne un air pop, gorgé d’harmonica. Pastiche mélancolique de musique western, Driving Away from Home (Jim’s Tune) restera le seul hit dans la carrière d’It’s Immaterial. Rembobinons un peu. Le groupe, constitué de John Campbell et Jarvis Whitehead, s’est formé quelques années auparavant sur les bancs de la faculté d’art et d’architecture de Manchester, avant d’emménager à Liverpool (où ils se sépareront notamment d’Henry Priestman, parti rejoindre The Christians).
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Après une poignée de singles, le duo est rapidement approché par la Warner, mais signer pour une major, c’est aliéner sa liberté. It’s Immaterial refuse le contrat et c’est par le biais d’un sous-label de Virgin que sortira Life’s Hard and Then You Die (1986).
Epuré, surprenant, le disque est une merveille
Inclassable, ce premier lp voit pourtant ce fameux single, Driving Away from Home, se frayer une place honorable dans les charts anglais. Quatre années s’écouleront avant de les voir revenir avec Song en 1990 – un album décrit par ses propres créateurs comme un “suicide commercial”.
Epuré, surprenant, le disque est une merveille, mais le succès ne sera plus au rendez-vous. Le groupe s’évanouit aussi délicatement qu’il était apparu. Life’s Hard and Then You Die, annonçait-il prophétiquement quelques années plus tôt… Pas tout à fait.
La marée renvoie parfois certains trésors que l’on pensait perdus. C’est aujourd’hui le cas avec House for Sale, un disque qui a dérivé – de galères en malchances – durant trente ans. Le résumé de sa genèse ressemble à un catalogue des désastres. Les premiers enregistrements débutent en 1993 aux Castlesound Studios, en Ecosse, mais on diagnostique un cancer à Jarvis Whitehead.
“Ce fut un terrible choc qui a mis cet album à l’arrêt. Nous avions d’ailleurs complètement oublié ces bandes jusqu’à il y a environ six ans, lorsque nous avons déplacé notre studio dans de nouveaux locaux et que nous sommes tombés sur un carton contenant les multipistes originales de la session d’Ecosse”, nous raconte John Campbell.
En 2016, le tandem se décide à mettre un point final à House for Sale en le finançant par les moyens du crowdfunding. Problèmes techniques liés à l’enregistrement des bandes maîtresses, graves soucis de santé pour John et faillite du site de crowdfunding engloutissant les fonds collectés reportent la sortie du disque de mois en mois. L’attente en valait-elle le coup ? Oui.
Derrière les notes synthétiques, soutenu par des textes d’une intelligence rare, le duo égrène sa collection d’histoires courtes, comme autant de souvenirs et d’instants suspendus. Malicieux, drôles et élégants comme ces vieux roublards de Marc Almond ou des Pet Shop Boys. Si le succès est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme, mesurons pleinement cette réussite après tant d’infortunes. Miracle à Liverpool !
House for Sale (burningshed.com)
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