Alors que les gandins d’Iron Maiden ouvrent un hôtel de luxe à Londres, JD Beauvallet explore les relations tumultueuses entre les chambres d’hôtel et l’histoire du rock. Et si on jetait un plasma par la fenêtre ?
Je n’oublierai jamais la tête de ce réceptionniste d’hôtel rock’n’roll chic américain à qui je demandais si les clients jetaient moins les télés par les fenêtres depuis qu’on avait installé des écrans plasma. Terrassé par une question pour laquelle il n’avait pas été programmé, il pris le même visage figé que mon ordinateur quand il plante. Après ce qui ressemblait à une syncope, à un bug facial, il retrouva dans son maigre stock d’options une phrase automatique : “Mais si vous la jetez par la fenêtre, il faudra payer.” Ouf, je n’avais pas de mort absurde sur la conscience.
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Le rock’n’roll et les hôtels (California ou pas) forment un bien joli petit couple. Led Zeppelin, par exemple, a fait des course de moto dans les couloirs du Hyatt de Los Angeles et un concours de pêche aux requins depuis les fenêtres du Edgewater Inn de Seattle (on ne vous dira pas où a fini l’un des petits requins, mais une groupie s’en souvient encore…). Depuis les hauteurs de la chambre 1015 du Continental Hyatt (rebaptisé Continental Riot par la noblesse du pavé), en plein cœur d’Hollywood, Keith Richards a jeté, devant une caméra, une télé – imité, quelques mois plus tard, et au même endroit, par Keith Moon. Il faudrait d’ailleurs consacrer un livre entier au batteur des Who, qui a détruit encore plus de chambres que de batteries. Le Chelsea Hotel de New York en a tellement vu qu’il vient de fermer, épuisé par quarante années d’excès, de morts et de flamboyance. Amy Winehouse a laissé sa chambre d’un palace londonien dans un tel état il y a un an qu’il a fallu à l’entière équipe de nettoyage deux heures pour venir à bien de la seule salle de bain. On soupçonne même certains hôtels hypes, comme le Mark de New York, d’encourager pour des raisons publicitaires ce genre de carnage (souvenez-vous de l’arrestation de Johnny Depp en 94 dans sa chambre ravagée), régulièrement perpétué par des intelligences aussi supérieures que Paris Hilton ou Lindsey Lohan. Le “hotel trashing” est même devenu tellement mondain que pour sa fermeture, le palace parisien Royal Monceau avait lui-même orchestré la destruction de quelques chambres par des VIP.
On ne sait pas combien de fois Iron Maiden s’est ainsi fait virer manu militari de sa chambre d’hôtel, mais ça n’arrivera plus à Londres : le groupe y ouvre en avril un palace, le Sanctum Soho, où les 30 chambres auront accès à un cocktail bar, un jacuzzi sur les toits et un cinéma privé. “Ceci n’est pas le genre d’hotel pour balancer les télés de la fenêtre. Nous demandons à nos clients de bien se comporter.” Ce sera donc officiellement le cimetière du rock’n’roll.
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