Qu’est-ce qui faisait vibrer la planète musique il y a cinquante ans, année qui a vu naître “Berlin” de Lou Reed, “Message personnel” de Françoise Hardy ou “Dark Side of the Moon” de Pink Floyd ? Réponse en 50 titres pour saluer le premier numéro de la nouvelle collection de hors-série des “Inrockuptibles”.
1973 voit paraître deux des plus beaux albums français de l’ère moderne : Les Paradis perdus de Christophe et Message Personnel de Françoise Hardy. Deux ex-Velvet Underground, John Cale et Lou Reed publient séparément deux œuvres-villes magistrales : Paris 1919 et Berlin tandis que David Bowie invente une des images les plus marquantes de sa riche carrière iconographique en cover d’Aladdin Sane tout en produisant le surpuissant Raw Power d’Iggy Pop & The Strooges.
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Et pendant ce temps, les Stones poursuivent leur voie royale avec Goats Head Soup quand Roxy Music dévoie tout en panache le glam rock avec For Your Pleasure, Pink Floyd fait le bonheur des vendeurs de chaînes haute-fidélité avec l’ample et aventureux The Dark Side of the Moon et qu’un clochard céleste, Tom Waits, ouvre sa discographie grâce au grandiose Closing Time. Autant d’histoires épiques contées dans le premier numéro de la nouvelle collection des Inrocks et à savourer en écoutant la bande son d’une époque.
The Rolling Stones Angie
Pour beaucoup de fans des Stones, Angie est la plus belle ballade de l’année. Pour d’autres, plus chafouins, c’est un slow doucereux qui signe le début de la fin du groupe. Cinquante ans plus tard, Angie elle-même reste un mystère puisque personne n’a su confirmer à qui cette chanson est adressée.
Françoise Hardy Message personnel
Mystérieux et merveilleux aussi le Message personnel de Michel Berger et Françoise Hardy, même pour son interprète : “J’aime assez l’idée que Message personnel nous associe tous les quatre, Michel Berger, Véronique Sanson, Jacques Dutronc, auquel mon texte parlé s’adressait, et moi.”
Bob Dylan Knockin’ on Heaven’s Door
Au détour du western décrit comme crépusculaire de Sam Peckinpah, Pat Garrett & Billy the Kid, apparaît à l’écran Bob Dylan qui en signe aussi la BO recelant une de ses plus belles compositions, baptisée fort justement Knockin’ on Heaven’s Door.
T. Rex Born to Boogie
Pendant ce temps en Angleterre, Marc Bolan conserve sa recette unique de boogie glam, éprouvée depuis 1971 et le single Get It on (Bang a Gong) pour une explosion pop multicolore et brillant de mille feux.
Roxy Music Do the Strand
“There’s a new sensation /A fabulous creation/A danceable solution.” Avec Do the Strand, Roxy Music se confirme en figure montante du glam rock mais n’hésite pas à en élargir la palette sonore sous l’impulsion notable de Brian Eno.
New York Dolls Personality Crisis
Sous le maquillage et les atours androgynes qui participent de l’identité glam, les New York Dolls contribuent à l’arrivée prochaine du punk. Pas étonnant donc qu’ils nous fassent part de leur crise de la personnalité.
The Who I’m One (At Least)
Troubles de la personnalité, la suite, avec cet extrait de l’opéra-rock Quadrophonia qui narre l’histoire d’un l’histoire d’un jeune mod schizophrène dont le cerveau est partagé avec les quatre membres de The Who sur cet album double.
David Bowie Panic in Detroit
Trois mois avant de se débarrasser de Ziggy Stardust sur la scène de l’Hammersmith Odeon de Londres, David Bowie s’est déjà transformé en Aladdin Sane (comprendre “a lad insane”) et s’inspire de dires d’Iggy Pop pour Panic in Detroit. Personality crisis, disions-nous ?
Iggy Pop & The Stooges Gimme Danger
Pré-punks historiques depuis 1969 (l’année mais aussi le morceau), la bande à Iggy continue à semer la panique à Detroit avec Raw Power, leur troisième album produit par David Bowie et dont est extrait Gimme Danger.
Pink Floyd Money
Prémonitoire, le bruit de tiroir-caisse qui ouvre Money, morceau dénonçant l’argent corrupteur tout en annonçant les ventes stratosphériques de The Dark Side of the Moon qui vaudront à Pink Floyd de devenir ensuite énorme, voire boursouflé, selon les esprits chagrins.
John Cale Andalucia
Avec Paris 1919, John Cale apparie savamment musique classique et rock contemporain, confirmant à quel point il est un artiste et producteur singulier qui nous fait voyager ici dans un émouvant et élégant trip en Andalousie.
Lou Reed The Kids
Pendant que son ex-partner-in-crime contre la bienséance visite le sud de l’Espagne, Lou Reed est à Berlin pour un des albums les plus déprimants et les plus galvanisants de l’histoire du rock dont les morceaux sont autant de soleils noirs qui nous brûlent l’âme.
Tom Waits Martha
Pas sûr qu’après l’écoute intégrale du Berlin de Lou Reed, le Martha de Tom Waits vous permette de remonter du trente-sixième dessous. Qu’importe tant est magnifique ce piano-voix dont on ne sait qui du piano ou de la voix est le plus éraillé.
Christophe Les Paradis perdus
Après une remarquable série de 45t, Christophe passe à la vitesse supérieure avec son véritable premier album à la confondante unicité et dont il confie les clés à Jean-Michel Jarre. Bien lui en prend : Les Paradis perdus est d’une beauté céleste à l’image de son morceau-titre.
The Temptations Masterpiece
Masterpiece : les Temptations affichent clairement leurs ambitions sur cette longue suite psyché-soul qui se rapproche par son ambitieuse ampleur du Hot Buttered Soul d’Isaac Hayes. Un tour de force de près d’un quart d’heure qui les affranchit de leur statut de groupe à singles.
Stevie Wonder Living for the City
Avec Innervisions, Stevie Wonder enrichit sa collection de chefs-d’œuvre entamée l’année précédente (le doublé Music on My Mind, Talking Book) et étoffe la liste de ses classiques avec les singles Higher Ground et Living for the City.
The Jackson 5 Skywriter
Alors que les conflits entre la maison-mère (Motown) et leur paternel de manager Joe (l’une comme l’autre aussi tyranniques) sont de plus en plus vifs, les Jackson 5 font le boulot consistant, à enquiller les hits, ici avec le vrombissant Skywriter qui les extirpe des standards soul.
Sly & The Family Stone If You Want Me to Stay
De plus en plus accro à la cocaïne, Sly Stone signe seul l’ensemble de l’album Fresh, loin des sommets atteints par There’s a Riot Goin’ On mais qui contient néanmoins quelques merveilles comme le single If You Want Me to Stay.
The Pointer Sisters Yes We Can Can
Dès 1973, The Pointer Sisters (protégées du magicien néo-orléanais Allen Toussaint) l’affirment haut et fort : Yes We Can Can. Un slogan dont Barack Obama livrera sa propre version en 2008 lors de la campagne des primaires démocrates avec le succès qu’on connaît.
James Brown The Payback
The Godfather of Soul s’éloigne toujours un peu plus du genre dont il est donc le parrain pour s’employer à poser les fondations du funk (et un peu aussi du rap) pour une seconde vie musicale qui s’avèrera tout aussi fructueuse avant de choisir de devenir sa propre caricature.
Barry White I’ve Got So Much to Give
Après avoir largement contribué à la popularité du trio féminin Love Unlimited en 1972, le colosse Barry White révèle au monde son organe grave et puissant qui va l’imposer en lover crooner voué à faire chavirer les cœurs, et à mélanger les corps et les fluides.
Al Green I’m So Lonesome I Could Cry
Autre grand crooner soul, Al Green (Mr. Let’s Stay Together) n’hésite pas à se frotter au patrimoine musical blanc, ici une reprise du I’m So Lonesome I Could Cry du géant de la country Hank Williams qu’il parvient à rendre aussi poignante que l’original.
Betty Davis Anti Love Song
L’éphémère épouse (un an) de Miles Davis et ex-mannequin publie un premier album coup de poing, sexuel et vindicatif, que domine cette Anti-Love Song venimeuse. De quoi nous faire regretter une trop courte carrière (quatre albums seulement de 1973 à 1976).
Marvin Gaye Let’s Get It On
Après avoir durablement marqué les esprits avec What’s Goin On (1971) et s’être offert une parenthèse cinématographique (la BO de Trouble Man), Marvin Gaye signe une nouvelle réussite avec ce douzième album porté commercialement par son morceau-titre.
Roberta Flack Killing Me Softly with His Song
Avant de faire la fortune des Fugees au milieu des années 1990, Killing Me Softly with His Song remporte un énorme succès grâce à Robert Flack un an après la parution de sa version originale gravée par Lori Lieberman.
Ladysmith Black Mambazo Nomathemba
Ladysmith Black Mambazo peut se targuer d’être le premier groupe noir africain à avoir obtenu un disque d’or (alors que, ô ironie, ils sont sud-africains). Pourtant la vraie gloire internationale ne viendra que beaucoup plus tard, en 1985, grâce à sa collaboration avec Paul Simon sur Graceland.
Ike & Tina Turner Nutbush City Limits
Nutbush, c’est la petite ville du Tennessee dans laquelle Anna Mae a grandi et les limites sont celles que Tina ne veut plus se laisser imposer par Ike. Un pas décisif est franchi avec ce morceau qu’elle a écrit et composé dans une veine à la fois autobiographique et funk-rock.
Funkadelic Cosmic Slop
Funkadelic poursuit sa conquête spatiale sonore avec le renfort du guitariste-chanteur Garry Shider appeler à pallier l’absence de Tawl Ross resté trop haut perché après un trip de LSD (substance dont d’autres membres du groupe semblent encore faire usage comme l’indique Cosmic Slop)
Deodato Also Spracht Zazathustra (2001)
Arrangeur éclectique (de Tom Jobim à Björk, de Kool & The Gang à Frank Sinatra), le Brésilien Eumir Deodato a obtenu un Grammy Award grâce à cette odyssée de l’espace qui stratosphérise Richard Strauss du côté de chez Shaft.
The Headhunters Chameleon
Au jazz fusion les chasseurs de tête d’Herbie Hancock ajoutent une touche de proto funk pour déconstruire un des hits de leur leader publié en 1962, Watermelon Man qui démontre, tout comme Chameleon, l’aisance du groupe à varier les pulsations.
Mahavishnu Orchestra Sanctuary
Après avoir contribué à la révolution électrique de Miles Davis (In a Silent Way, 1969 ; Bitches Brew, 1970), John McLaughlin fonde Mahavishnu Orchestra dont l’album Birds of Fire est considéré comme un des piliers du jazz fusion qui plane haut sur Sanctuary.
Bill Cobham Stratus
Batteur du Mahavishnu Orchestra, également de l’aventure Bitches Brew, Billy Cobham publie son premier album solo et si son Stratus vous paraît familier, c’est sans doute parce que son arrière-plan structure le Safe from Harm de Massive Attack.
Gong Flying Teapot
Eminent élève de l’école de Canterbury, Steve Hillage est tout d’abord invité sur l’album Flying Teapot avant de devenir membre à part entière du groupe zinzin Gong dont un échantillon de la folie, qui indique qu’il ne marche sans soute pas seulement au thé, vous est offert ici.
Can Future Days
Cela fait déjà quelques années que la formation allemande écrit l’avenir de la musique, ce que confirme Future Days, leur dernière collaboration avec le chanteur japonais Kenji Suzuki. Comme dirait les Pointer Sisters : yes we can, Can.
Faust Krautrock
Autres fondateurs de la scène électronique d’avant-garde teutonne, Faust reprend à son compte l’étiquette que leur a collé à ses dépens la presse britannique pour en capturer l’essence sur ce Krautrock foisonnant.
Mike Oldfield Tubular Bells
Double carton au box-office grâce à L’Exorciste de William Friedkin (dont Tubular Bells est la BO, une fois écartées par le cinéaste les compositions proposées par Lalo Schifrin) et dans les charts avec ce morceau électronique répétitif, voire trop pour les réfractaires.
Judee Sill Soldier of the Heart
Avec Heart Flood, Judee Sill confirme les espoirs placés en elle depuis son premier album. Ce sera malheureusement son dernier puisqu’on perdra ensuite sa trace jusqu’à sa mort par overdose en 1979. On la retrouvera pourtant en 2005 grâce au miraculeux Dreams Come True.
Dusty Springfield Tupelo Honey
La Britannique à la voix soul poursuit sa route parallèle à celle d’Elvis puisqu’après l’album In Memphis, elle consacre une ode à la ville natale du King écrite par Van Morrison. Et ne ment pas sur la marchandise : Tupelo Honey est bien du miel pour les oreilles.
Bruce Springsteen It’s Hard to Be a Saint in the City
Deux albums Greetings from Ashbury N. J. en janvier et The Wild, the Innocent and the E Street Shuffle en novembre révèle un jeune talent prometteur venu du New Jersey et auquel nous prédisons un bel avenir : Bruce Springsteen.
George Harrison Give Me Love (Give Me Peace on Earth)
Sur ce morceau de facture classique, George Harrison semble poursuivre en solitaire la geste beatlessienne dont ses ex-collègues John Lennon et Paul McCartney s’évertuent à s’éloigner dans leurs projets respectifs.
Wings Band on the Run
Band on the Run débute en ballade collante, se poursuit en prog-rock factice avant d’imposer cette pop ample et altière dont Paul McCartney est un des orfèvres. Le tout encapsulé en moins de cinq minutes.
John Lennon Mind Games
Aurait-on perdu John Lennon cette même année, empêtré qu’il est entre enjeux politiques, Yoko Ono et addictions diverses ? Mind Games prouve en beauté qu’il n’a pas perdu la main pour composer des ballades qui tiennent la route qu’il s’est fixée.
Led Zeppelin The Rain Song
De somptueux arrangements de cordes, Jimmy Page aussi sobre dans son jeu que Robert Plant dans son chant puis une explosion aux alentours de la cinquième minute rappelle qu’avec Led Zeppelin, il faut toujours se méfier de l’eau qui dort.
ZZ Top La Grange
Un boogie-blues heavy entre Bo Diddley et John Lee Hooker, voici la ligne sur laquelle les Texans resteront tout au long de leur carrière. L’occasion de rappeler que Franck Beard (“barbe” en vf) est le seul non-barbu de ZZ Top.
Steve Miller Band The Joker
Une basse rampante, un chant nonchalant, une guitare qui semble se foutre du monde. Et si le Joker du Steve Miller Band était un des premiers slackers du rock US ?
The Wailers Concrete Jungle
1973 marque la fin des Wailers, suite au départ de Bunny Livingston et de Peter Tosh, et la naissance de Bob Marley & The Wailers. Un adieu en forme de bouquet final puisque l’année est ponctuée de deux albums fondamentaux du reggae : Catch a Fire et Burnin’.
The Byrds Cowgirl in the Sand
C’est avec classe et élégance qu’en 1973 les Byrds signent leur chant du cygne dans un recueil country-folk-rock aérien et déjà marqué par le temps passé, reprenant par exemple ici Cowgirl in the Sand de Neil Young (1969).
Eagles Tequila Sunrise
Des Byrds aux Eagles, il n’y a qu’un pas, ou un vol, celui d’aigles bipolaires qui quelques années avant de métaphoriser les affres de l’addiction à l’alcool sur Hotel California célèbrent un cocktail enivrant.
Steely Dan Show Biz Kids
Dans la catégorie soft-rock californien, Steely Dan continue à pousser les pions gagnés avec leur Doin’ It Again et ce goût pour la récidive est plutôt gagnant avec cette ambigüe célébration du show-biz.
Serge Gainsbourg Je suis venu te dire que je m’en vais
Album de transition autant que de transit (Titicaca, Pamela Popo, La poupée qui fait) reste surtout mémorable grâce à une des plus belles perles du répertoire Gainsbourg : Je suis venu te dire que je m’en vais.
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