Le musicien et compositeur allemand, ex-Harmonia et Neu!, sort un deuxième coffret rassemblant les disques de sa période la plus électronique entre 1983 et 2004, ainsi qu’un nouvel album marquant le retour des guitares.
Bien avant le temps des pandémies et des mesures de quarantaine, Michael Rother inventait l’auto-isolement à perpétuité. Reclus dans le petit hameau de Forst, en Basse-Lusace, depuis 1973, le cofondateur de la fusée motorythmique Neu ! et du conglomérat radieux Harmonia (et un temps collaborateur espiègle de l’usine expérimentale Kraftwerk, avant le virage “pop” de Florian Schneider et Ralf Hütter) nous confiait l’an passé, lors de la sortie d’un coffret rassemblant ses quatre premiers albums solo, ne plus écouter beaucoup de musique, prétextant que le silence est encore de loin ce qu’il préfère.
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Il n’en demeure pas moins un artiste prolifique, avec dix albums sortis en son nom au compteur, des scores pour la télé allemande et quelques tournées après 2004 constituant les rares occasions qui le virent quitter ses contrées luxuriantes.
Seize ans de silence discographique
Opiniâtre, le guitariste s’était mis en tête au début des années 1970 d’évacuer de sa musique toute référence au blues, avant de rejeter les tâtonnements improvisés des pontes de la scène estampillée “kraut”, puis de s’émanciper de la présence en studio de ses acolytes que furent le producteur mythique Conny Plank, Klaus Dinger (Neu !) ou encore le métronome du groupe Can Jaki Liebezeit, avec qui il mettra en boîte ses premiers disques.
Couvrant la période allant de 1983, avec l’album Lust, à 2020, avec la parution de Dreaming après seize ans de silence discographique, le coffret Solo II témoigne de la satellisation progressive d’un musicien en orbite autour de son monde intérieur, mettant à profit l’espace infini de son studio et du matériel électronique accumulé depuis des lustres pour parfaire des paysages sonores aux teintes et aux textures inédites.
“On travaillait comme deux peintres”, se rappelait-il lors de notre rencontre, en évoquant sa collaboration avec Dinger au sein de Neu ! Même si les grandes fresques pastorales laisseront peu à peu place à des esquisses ramassées dans des disques ressemblant à des collections de sketches, lorgnant autant du côté du travail isolé d’un Vini Reilly que des ébauches baléaric plus récentes de Mark Barrott, la méthode restera la même.
Un travail de collage insaisissable, merveilleux
“J’avais gagné un peu d’argent, j’ai donc pu m’acheter un 24-pistes, ainsi que du matériel. Moi qui avais rêvé d’avoir un train électrique, je me suis retrouvé excité comme un enfant. C’était génial de pouvoir produire de la musique sans deadline et sans personne pour te dire qu’il faut libérer le studio à telle heure parce qu’un autre groupe doit prendre la place”, nous racontait-il encore. Il troquera la batterie contre un arsenal de synthétiseurs et de boîtes à rythmes, reléguera sa guitare au placard sur Remember (The Great Adventure) en 2004 et ira incorporer des voix à ses peintures.
Celles de la chanteuse et violoncelliste britannique Sophie Joiner, que l’on retrouve également sur Dreaming, enregistré durant la période du confinement, mais dont les motifs traînent dans les disques durs de Michael Rother depuis le mitan des années 1990. En résulte un travail de collage insaisissable, merveilleux au sens médiéval du terme, rempli de ce que l’on perçoit comme étant des références connues (le trip-hop, la synthpop, la French Touch), mais qui explosent comme des bulles de savon quand on croit mettre le doigt dessus. Le journal de confinement d’un confiné imaginaire.
Solo II & Dreaming (Grönland Records/PIAS)
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