Le pianiste, compositeur et chef d’orchestre Horace Silver vient de mourir. Une longue carrière où se mêlaient la passion pour le nouveau et la tradition de la Great Black Music.
Sale saison pour les jazzmen. Après le lunaire Jimmy Scott, c’est le solaire Horace Silver qui a rejoint les étoiles. Il s’est éteint à New Rochelle (New York) le 18 juin, à l’âge de 85 ans. Horace avait quitté la scène depuis quelques années – quelques problèmes de mémoire – mais on doit reconnaître qu’il avait eu une carrière bien remplie, passant au fil des années d’inventeur et d’expérimentateur de nouveaux styles au patriarche découvreur de jeunes pousses.
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L’invention du hard-bop
Silver était ainsi à l’origine du hard-bop des années 50 et 60, qui prolongeait la révolution du be-bop, style intransigeant et moderniste, marqué par la hautaine virtuosité de ses concepteurs Charlie Parker et Dizzy Gillespie. Le hard-bop, tout en conservant l’exigence stylistique de ses prédécesseurs, introduit ou réintroduit des ingrédients plus traditionnels, tirés du blues et de la soul, privilégiant des rythmiques groovy et funky.
Le jeu de Silver lui-même, teinté de boogie-woogie, était inspiré de Monk, mais sans la noirceur schizoïde qui allaient peu à peu envahir les doigts et l’esprit du géant aux innombrables couvre-chefs. Un Monk heureux en quelque sorte, dont le phrasé jubilatoire et percussif privilégiait le rythme avec une simplicité faussement naïve, pleine d’humour et d’invention.
Thèmes et tubes
Compositeur prolifique, Silver a laissé un grand nombre de thèmes qui sont devenus des standards auxquels se sont essayés les débutants de toutes les époques et qu’ont sublimés toutes les pointures. Citons le célèbre Song for My Father et sa rythmique latine, inspirée des musiques du Cap-Vert dont était originaire le père d’Horace, Ecaroh, palindrome de son prénom, comme s’en était souvenu Georges Perec, le bluesy The Preacher que le producteur de Blue Note Alfred Lion, réticent, trouvait “simpliste” et qui fit un carton, Nica’s Dream, en hommage à la romanesque Pannonica de Koenigswarter, personnage de légende, muse et ange gardienne des musiciens, chez qui sont morts Charlie Parker et Monk.
Après avoir été repéré par Stan Getz et recruté par Miles Davis, Silver fait équipe avec un autre figure mythique, Art Blakey, cœur battant du jazz, pour former un combo promis à un brillant avenir : les Jazz Messengers, qui allaient promouvoir le hard-bop, dont les tubes allaient envahir les juke-box, tout au long de cette heureuse époque où le jazz était une musique authentiquement populaire qui faisait danser les d’jeunes.
Une académie du jazz
Séparé de Blakey, Horace Silver crée sa propre formation qui, comme les Messengers deviendra une sorte d’académie du jazz, un quintet mythique dans lequel les jeunes talents viennent faire leurs preuves et apprendre le métier, avant de devenir eux-mêmes des musiciens admirés. Horace Siver, qui savait s’entourer, a lancé les saxophonistes Hank Mobley, Joe Henderson, Michael Brecker… les trompettistes Art Farmer, Woody Shaw, Tom Harrell and Randy Brecker… excusez du peu !
Dave Douglas, un des grands trompettistes actuels et un des derniers à avoir tourné avec lui, disait il y a peu son admiration pour cet artiste qui lui avait appris à surmonter la fatigue des interminables tournées pour offrir, soir après soir, le meilleur de lui-même au public. Une leçon de musique et de vie.
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