Chez les puritains du hip-hop, rigoristes crispés autour de souvenirs de poilus, l’intrusion de ces intellos dans leur monde figé a généré une nouvelle insulte : “backpacker”. Le backpacker ne jure que par le hip-hop et pourtant il ignore tout de Jay-Z, Tupac ou Biggie. Son hip-hop, il le chine dans les marges les plus […]
Chez les puritains du hip-hop, rigoristes crispés autour de souvenirs de poilus, l’intrusion de ces intellos dans leur monde figé a généré une nouvelle insulte : « backpacker ». Le backpacker ne jure que par le hip-hop et pourtant il ignore tout de Jay-Z, Tupac ou Biggie. Son hip-hop, il le chine dans les marges les plus éloignées, relié à son réseau Internet, scrutant minutieusement chaque sortie de labels comme Anticon, Def Jux ou ici Lex, émanation de l’écurie electro déviante londonienne Warp. Pour les gardiens du temple hip-hop, le symbole des backpackers, le virus ultime, a même un nom : le poète illuminé Sage Francis, barbu éduqué aux duels de tchatche et responsable d’un album beau ténébreux, Personal Journals. Epaulé par les rythmes rouillés et instables du brillant Joe Beats, Sage Francis est de retour, et il n’est toujours pas content.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ne pas croire un mot de ce titre, Hope : ici, noir c’est noir, il n’y a pas d’espoir. Des samples accordés en mineur à ce flow miné par un verbe ombrageux, cet album est, dans le hip-hop, l’équivalent d’un disque de Smog dans le folk : un concentré de dégoût et de spleen. Et pourtant, du cinglant New Word Order (ce titre, la classe) aux bouleversants Disasters ou That Ain’t Right, la fluidité des mots, l’élégance de la mise en son, la torpeur toxique des beats font de son écoute une expérience aux antipodes de l’abscons, du doctoral. Certes austère, ce « hip-hopatraque » ne fera peut-être danser que les morts. Certes martial, il provoquerait une marée noire sur les ondes de Skyrock. Mais en cette dictature de la futilité et des enfantillages qui polluent le rap du milieu de la route, il est devenu plus que jamais nécessaire de fouiner dans les bas-côtés, aussi broussailleux et menaçants paraissent-ils. « La Côte Ouest n’a pas de style, la Côte Est n’a pas de style, les MC n’ont pas de style, les producteurs n’ont pas de style, les DJ n’ont pas de style, ta copine n’a pas de style, même ta mère n’a pas de style« , éructe Sage Francis. Les backpackers peuvent être de furieux motherfuckers.
{"type":"Banniere-Basse"}