A l’occasion de la sortie de l’album Outside, Closer, rencontre avec Richard Adams, l’une des têtes pensantes des anglais de Hood. En prime, deux titres en écoute.
Rock ? Electro ? Pop ? Post-pop ? La musique des Anglais de Hood est un peu tout cela à la fois. Autrefois plus simplement brutaux, ces musiciens originaire de Leeds ont, depuis le glacé Cold House, transformé leur intérieur en terrain d’expérimentations douces-amères.
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Pas facile de pénétrer dans cet univers souvent abstrait mais terriblement généreux pour celui qui s’y attarde. A l’occasion de ce nouveau Outside, Closer, nous avons rencontré Richard Adams, tête pensante de Hood, pour qu’il nous parle un peu plus de sa conception de la musique.
Une interview à déguster en écoutant deux titres de ce nouvel album, The Negatives et The Lost You (à découvrir en passant le curseur de la souris sur le bouton AUDIO/VIDEO en haut de page).
Quel type de garçon êtes-vous ?
Je ne sais pas. Une sorte de sac de nerfs, incapable de me relaxer. Je suis assez ambitieux dans ce que j’essaie de faire. Je ne suis pas matérialiste, je ne m intéresse pas vraiment au fait d’amasser des tonnes d’argent. J’essaie de m intéresser à beaucoup de choses.
Ce sont des choses que l’on retrouve dans la musique de Hood ?
Oui, je pense. Dans l’idée de ne pas accepter ce qui vient, ce qu’on nous impose, de ne pas accepter d’être celui que les gens voudraient qu’on soit, de ne pas agir comme on nous le demande. De ne pas accepter d’entrer dans une norme. Ça s’entend probablement dans notre musique.
Vous existez depuis longtemps, vous avez enregistré de nombreux albums, comment avez-vous évolué, en tant qu’individu ?
Je suis probablement un peu plus cynique que je ne l’étais, et j’ai peut-être moins d’enthousiasme qu’au tout début, même si j’en ai encore pas mal. Musicalement, je tolère maintenant beaucoup de groupes de merde que j’aurais haï il y a quelques années, parce que les bons groupes restent dans l’ombre, un truc qui me rendait fou quand j’étais plus jeune.
Au sein de Hood, on essaie maintenant d’ignorer ça, de rester le plus possible en marge de l’industrie du disque, ne pas trop nous engager. De ne pas être dans un groupe, puis devoir arrêter, retourner au travail dans une banque ou quelque chose comme ça. Et en tant que groupe, nous nous sentons différents, mais les mêmes, ce sont les deux mêmes personnes qui sont à la base de tout.
Peut-être d’une certaine manière sommes-nous moins enclins à poser des problèmes, nous avions tendance, il y a quelques années, à faire des choses un peu folles, à nous opposer à tout ce qu’on voulait de nous. Nous étions très obtus. On commence à penser en atteignant 30 ans, on se demande ce qu’on va faire de sa vie, est-ce qu’on va continuer à bosser normalement le jour pour rentrer chez soi et faire de la musique, ce qu’on continue à faire en quelque sorte. Je n’ai toujours pas trouvé la réponse. Mais on continue tous à faire de la musique à mi-temps.
Et quel est ton métier ?
Je travaille dans un magasin de disques. C’est probablement ce qui me rend plus cynique par rapport à l’industrie du disque J’y bossais déjà il y a 4 ou 5 ans, et j’ai dû partir, ça m’ennuyait tellement. Mais maintenant je réussis à supporter, à en rire
C’est intéressant, car ça, cette position particulière, nous permet de continuer à faire de la musique, sur la longueur. On n’en fait pas trop, on ne sort pas un album pour ensuite faire le tour du monde, et en devenir malade, se lasser. On se contente de faire ce qu’on peut faire, pour garder intact notre intérêt pour la chose.
Ça faisait partie du plan, dès le départ : ne pas en faire trop, ne pas accepter tout ce qu’on nous demande. Et ne rien attendre de particulier. C’était une sorte de blague quand nous avons commencé. Tout ce qui nous arrive maintenant est du bonus. Nous sommes plus mûrs.
Et la politique ? Est-ce quelque chose d’important pour vous ?
Ça l’est devenu, oui. Tu m aurais posé la question il y a cinq ou six ans , je t’aurais répondu que non. Je m y intéresse de plus en plus ; je suis marié à une fille américaine, et la politique est devenu un grand sujet de conversation dans notre foyer. Je comprends maintenant ce que l’idée de justice signifie. La politique américaine m inquiète terriblement, par exemple. Je ne suis pas non plus un expert, je me sentirais perdu lors d’un débat, mais j’ai ma propre idée de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, et c’est apparemment très différent de leur conception du bien et du mal’
Mais ça ne transparaît pas vraiment dans nos chansons, ou alors pas clairement, nous ne sommes pas Billy Bragg Mais on ressent la chose politique assez fortement à notre petite échelle, celle de Leeds : c’est une ville réputée en développement, mais si tu quittes le centre, tu fais à peine deux kilomètres et tu trouves des endroits terribles, des maisons vétustes et insalubres, où s’entassent les gens. Tu prends le journal, tout ce que tu y lis, c’est des articles sur la prétendue régénération de la ville, ils se concentrent sur la petite parcelle qui n’intéresse et n’attire que les grandes entreprises, en oubliant le reste, en oubliant les gens.
Leeds est une ville important pour vous, pour votre musique
Ça a longtemps été une petite ville satellite, un petit marché, une ville un peu coupée de tout, avec peu de trains. Leeds a longtemps été un peu isolé. Ce qui nous a aussi beaucoup influencé à Leeds, c’est sa campagne, tout autour. Je vais souvent m y promener, j’écris beaucoup à propos de ça. On s’inspire toujours de ce qui nous entoure, et c’est ce que nous faisons. Ça s’infiltre dans les chansons, peut-être pas d’une manière évidente.
Vous dites vouloir faire de la pop music ; pensez-vous que votre musique soit accessible ?
C’est étrange, parce que je pense qu’elle l’est. Alors que les gens semblent souvent ne pas comprendre du tout ce qu’elle est. Certains des morceaux que nous avons fait depuis le début étaient je pense assez accessible : c’est un genre différent de pop music, mais c’est quand même une forme de pop music, et ça ne devrait pas être considéré comme quelque chose de difficile. Notre musique n’est pas sensée offrir quelque chose que les gens ont déjà entendu, ceux qui l’écoutent ne sont pas sensés deviner ce qui arrive dans le morceau.
C’est tout l’intérêt : essayer de faire quelque chose d’inattendu, d’impossible à imaginer, qui sonne original. Mais ce que nous faisons est de la pop music, ça en a les structures. Mais on trafique un peu les choses, ça sonne parfois un peu comme de l’avant-garde. C’est ce qui m intéresse chez certains artistes pop, les mélodies étranges, différentes. Pour prendre un exemple vraiment commercial, je trouve que ce que Justin Timberlake est incroyablement expérimental. Les beats de ses morceaux ne sont tout simplement pas normaux ! Et il y a beaucoup de sons étranges, qui apparaissent à des moments inattendus : pourquoi mettre ça là ? Le plus étrange est que ça fonctionne parfaitement comme ça.
Un autre exemple serait les Smiths, d’une certaine manière un groupe de pop anormal : ils disaient parfois avoir l’impression de faire de la musique des années 60, mais ce n’est pas vrai, il était impossible de tracer leurs influences, de savoir d’où ils venaient ! Quand on écoute certains de leurs morceaux, il est tout simplement impossible de détecter ce qui relève du refrain, ou du couplet : les chansons se contentent d’aller où elles veulent. Ça me fascine totalement.
Quel est selon vous le principal sentiment qui mène votre musique ?
C’est dur à dire, probablement un mélange d’émotions. C’est souvent la colère. Chris, qui écrit pas mal de choses sur l’album, a passé l’été sans travailler, pour écrire ; mais il ne trouvait pas d’inspiration. Parce qu’il n’y a rien qui le mettait en colère Il se lève, n’a rien à faire sinon s’occuper de sa musique. Il a dû se remettre au boulot, et en une semaine il en avait marre, l’inspiration lui est revenue et les chansons ont commencé à venir
Votre musique est aussi souvent très triste
Oui, c’est vrai. Mais c’est amusant, j’essayais il y a peu de penser à mes disques, et j’étais incapable d’en trouver qui ne soient pas tristes. Même les choses très commerciales, des charts, se nourrissent de tristesse. C’est ce que j’aime dans la musique. Les Beach Boys, par exemple, probablement le groupe le plus triste de toute l’histoire. La tristesse, la mélancolie y sont constantes. Il y a de ça dans tout ce que j’écoute, et c’est aussi probablement vrai pour Chris, également. Je trouve certaines de nos chansons plutôt gaies, mais quand on les fait écouter aux gens, ils ont l’air très tristes’ Même quand on essaie de faire des choses enlevées, pour une raison ou pour une autre, la manière dont on écrit, ce qui nous inspire ou quoi que ce soit d’autre, ça transparaît.
Qu’est ce qui a changé, dans vos esprits, depuis Cold House ?
Nous n’attendions rien de particulier avec Cold House quand nous l’avons sorti, mais il a plutôt bien marché, et les gens l’ont acheté et aimé. Pour la première fois dans notre existence, nous avons été confrontés à des gens qui attendaient quelque chose de nous, de notre prochain album. Nous avions publié beaucoup d’albums dont nous étions content, mais cet intérêt porté au groupe était nouveau. Ça change pas mal les choses. On essaie de faire comme si ça n’était pas là, de faire ce qu’on a à faire, mais c’est difficile de ne pas y penser, de ne pas se demander comment on va faire pour ne pas décevoir ces gens. On ne peut pas se dire que le dernier album était la meilleure chose qu’on ait jamais faite, donc qu’on ne va pas en faire ensuite.
Ce genre de chose complique l’écriture, on a tendance à se demander à chaque moment si ce qu’on fait est vraiment bon. Mais il faut passer outre, aller simplement de l’avant. On s’en est tiré, on a dépassé ça. On a toujours des périodes de confiance, d’autres où l’on est au contraire pas confiant par rapport à ce qu’on fait. En tant que groupe, on est aussi, depuis Cold House, un peu plus rompu aux choses commerciales, à la promotion. Quand on a commencé, on était plutôt naïf, on ne savait même pas comment il fallait se faire payer pour les disques qu’on vendait. Je dois bosser de plus en plus sur les aspects commerciaux de Hood. Ça ne me gêne pas, la plupart du temps. On préfère faire tout à la maison, entre nous.
Et en quoi Outside, Closer est-il différent de Cold House ?
Il est assez différent. Il est beaucoup plus plein que Cold House, il s’y passe beaucoup plus de choses. Il y a beaucoup de choses cachées qui apparaissent soudainement, des samples, des cordes’ Il est différent car il a été fait d’une manière différente : il y a plus d’instruments différents, plus de manières d’utiliser les voix. Il est plus basé sur la chanson : on essayait d’écrire des chansons. On s’est un peu éloigné de l’électronique. Beaucoup pensent qu’utiliser des beats est forcément quelque chose de futuriste, mais je ne le pense pas : ça peut être vrai, mais la plupart utilisent des beats de 78? Ce n’est pas vraiment regarder vers l’avenir.
On utilise donc moins d’éléments électroniques, ou hip hop, que sur Cold House ; même si le hip hop est quand même un peu présent, d’une certaine manière. Voilà comment je le vois, mais j’ai bossé dessus des mois, je l’ai écouté des dizaines de fois, je me perds donc un peu’
Avec l’aimable autorisation de Pias
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