Honeybee Girls

Jadis punk, jusqu’à très récemment rockeuse innervée labourant le même sillon que Cat Power ou PJ Harvey, la jeune femme de Floride aura donc mis à profit sa rencontre avec Yann Tiersen (2004) pour apprendre un peu de l’autre : le clavier tempéré, et ne pas partir systématiquement en croisade contre le monde entier. Mais Shannon Wright, capable de désintégrer les chopes de bière de spectateurs inattentifs à grands coups d’orgue vintage, ne nous avait certainement pas préparés à cela.

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Cela, ce sont d’étranges comptines de filles-abeilles, plus enclines à musarder et rêvasser qu’à piquer. En effet, si l’on excepte un talking-blues électrique (Trumpets on New Year’s Eve) et la menace rampante d’Embers in Your Eyes, cet album bref (à peine plus de trente minutes) comme une sieste d’après-midi d’été joue avec le passé sans en déchirer le souvenir (Tall Countryside) et domine même une mélancolie toujours présente. Les sons s’entremêlent avec délicatesse, parfois amoureusement (le Wurlitzer de l’Américaine sonne parfois comme un harmonium).

L’éternel compagnon en musique, le bassiste Andy Baker, met en scène ces chansons nettement plus fourmillantes et apaisées que d’habitude, tout en sachant se montrer d’une exemplaire discrétion. Le résultat, facile dans le meilleur sens du terme, culmine dans la pop sophistiquée de Sympathy on Challen Avenue. Mais, si l’on sait gré à l’Américaine de visiter, en conclusion de l’album, Asleep avec distinction (les Smiths ont composé cela voici plus de vingt ans, ça n’a pas pris une ride), c’est plutôt la chanson Father qui emporte tous les suffrages : la pureté du chant en apesanteur surplombe des grincements électroniques, comme la grâce jaillit du chaos. Rappelant les expérimentations de Radiohead ou de Björk, cette comptine indique des pistes que Shannon Wright suivra très certainement avec bonheur.