Un homme tombe. Un live pathétique où Tim Buckley érige au rang d’art le je-m’en-foutisme et la négligence. Désespérant, fascinant. A propos de Sefronia, huitième et avant-dernier album de Tim Buckley, certains ici ont pu parler de “douloureux renoncement”. Propos terribles, tristement illustrés par ce Honey man live, aux relents fades d’arrière-cuisine de campagne promotionnelle. […]
Un homme tombe. Un live pathétique où Tim Buckley érige au rang d’art le je-m’en-foutisme et la négligence. Désespérant, fascinant.
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A propos de Sefronia, huitième et avant-dernier album de Tim Buckley, certains ici ont pu parler de « douloureux renoncement ». Propos terribles, tristement illustrés par ce Honey man live, aux relents fades d’arrière-cuisine de campagne promotionnelle. En 1973, tout juste âgé de 26 ans, Tim Buckley est revenu de tout tant des odyssées incendiaires et insensées à travers les étoiles que de la pulsion authentiquement charnelle d’un Los Angeles luxurieux. Il est un Prométhée désormais enchaîné, avec sa conscience malheureuse qui lui ronge la foi. Fatigué, épuisé, dans l’impasse artistique, l’homme semble indifférent, sans ressort, déjà ailleurs. Emouvant donc. Ici, passé le Dolphins de Fred Neil dont il reste un servant dévoué , rien ne fonctionne : pas plus le groupe besogneux et débraillé qui l’accompagne en roue libre que la voix en panne de fulgurance pyrotechnique, comme encalminée. Musique standardisée, banalisée, mise au pas des mauvaises seventies et qui se décline en un funk-blues sans relief, sans écart, sans rien. La pire offense que Tim Buckley, catalyseur par excellence de passions exacerbées, pouvait faire à ses fans, c’était bien de distiller cet ennui pas même distingué, juste calibré au mètre. Sur le titre Honey man, on jurerait entendre le Jim Morrison gras de L.A. woman, sans l’excuse de la bêtise. Au vrai, ce concert enregistré pour une radio new-yorkaise, qui va jusqu’à offrir des versions mièvres et plaisantes de Buzzin’ fly ou Pleasant street, pue la bonne volonté en même temps que la corvée, la logorrhée et la complaisance. Désespérant. Fascinant. Car Honey man, au-delà de sa médiocrité insigne, révèle une facette insolite dans ce contexte du génie immense de son auteur : soit une intelligence particulièrement aiguë des contraintes et de l’art de les ignorer. A ce stade, la forme ultime de liberté pour Tim Buckley, c’était sans doute celle de pouvoir se foutre complètement de tout. De ce point de vue, cet album insignifiant relève de la prouesse.
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