On connaît tout de Courtney Love. Mais on n’avait plus vu son groupe chez nous depuis deux ans.
Plus de nouvelles de Hole dans la presse musicale : juste de vagues comptes rendus de concerts australiens, relégués en fin de journal, affaires courantes expédiées. Pas vendeuse, la musique de Hole. On a beau avoir mille fois chroniqué, mille fois disséqué l’album Live through this, c’est à croire que personne ne l’a jamais écouté. Un disque de rock finalement assez sage et familier on ne reprend pas Young Marble Giants au hasard , totalement étouffé par une réputation mille tailles trop grande pour lui. Plus de nouvelles de Hole, mais trop de nouvelles de Courtney Love. « Je sais que je fais vendre du papier. » Tant pis pour Hole. Mais Courtney Love, comme Patti Smith avant elle (c’est à elle qu’il faut bien entendu la comparer, pas à la médiocre Yoko Ono), n’a jamais aimé se protéger, oubliée à la naissance par la décence, la retenue et l’hypocrisie. Généreuse d’elle-même jusqu’à l’inconscience, Courtney Love a jeté sa vie privée et sa dignité par les fenêtres. Elle a fait don de son corps non à la science il y aurait pourtant beaucoup à étudier sur l’incroyable résistance de ce frêle organisme à tous les abus, tous les excès mais à la presse. Pas une allumeuse comme Liz Phair ou Lisa Germano, grandes gueules uniquement dans les chansons mais tout à fait rangées hors scène. Chez Courtney Love, aucun masque. De ses escapades fameuses avec l’andouille Evan Dando, de ses bagarres hystériques avec ses rivales, de ses courriers piratés d’Internet, de ses déclarations outrancières, de ses relations atroces avec les anciens collègues de bureau de son mari, pas un mot tombé dans l’oreille d’un sourd. Pour un peu, on oublierait que Courtney Love joue dans un groupe. Un groupe parfaitement mésestimé, bien plus raisonnable que les réactions qu’il suscite. Un groupe volé à la musique et désormais réservé à tous les voyeurismes : untel venu entrapercevoir un bout de culotte de Courtney, untel venu reluquer un bout du mythe Nirvana, untel venu tâter du soufre à bon marché. Triste peep-show, pauvres chansons. Courtney Love devait être la Madonna des années 90 : on pense plutôt au lapidage médiatique de Maradona, autre glorieux pourfendeur de toutes les langues de bois. « A-t-elle mérité tout ça ? », demandait Miss world, ne réclamant aucune indulgence. Car Courtney est ailleurs : loin de nous, elle se sait condamnée à la vie avec sursis, profitant paillardement de ces quelques secondes volées. Pas question de s’embarrasser de calcul et de raison quand on sait que, très vite, on partira sans laisser d’adresse. Si Courtney Love chante, c’est le chant du cygne. Elle le chante à merveille.