Un inconnu, parfait, redonne fierté et jeunesse au rock’n’roll. Encyclopédiste doublé d’un orfèvre, il se présente, il s’appelle Jonny. Et il va réussir sa vie. “J’envoyais des bandes à tous ceux qui auraient pu m’aider sur la voie du rock, en particulier aux gens dont j’admirais la musique.” Jonny Polonsky avait raison de croire aux […]
Un inconnu, parfait, redonne fierté et jeunesse au rock’n’roll. Encyclopédiste doublé d’un orfèvre, il se présente, il s’appelle Jonny. Et il va réussir sa vie.
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« J’envoyais des bandes à tous ceux qui auraient pu m’aider sur la voie du rock, en particulier aux gens dont j’admirais la musique. » Jonny Polonsky avait raison de croire aux contes de fées. Parrainé par un lutin bienveillant, Frank Black, il fonce s’acheter « du matériel d’enregistrement high-tech, illico installé dans l’ancienne chambre de (son) frère ». Suivent dix chansons volcaniques, d’une vitalité en forme d’énigme. Comment un gosse élevé au pays des tignasses filasse, des idées prédigérées et du grunge geignard a-t-il pu échapper à la terrible peer pressure cet effarant conformisme morose qui étouffe le rock américain et pondre ce disque au teint clair, à l’haleine fraîche et aux nerfs en pelote ? Indice : sur la pochette, la trombine rigolarde de Jonny évoque irrésistiblement le jeune Jonathan Richman ; le dernier titre de l’album, Uh-oh (où Jonny trépasse en passant sa tondeuse à gazon, assassiné par un sandwich grec homicide) a toute la malice d’un vieux Modern Lovers. Aussi déluré que Ben Lee (on n’est pas près de se lasser du « Si tu étais un chaton, je serais ta litière » de How can that be sur Grandpaw would ) et à peine plus âgé, Jonny est un encyclopédiste du rock’n’roll doublé d’un orfèvre en power-pop, ce genre injustement dénigré qui sauva l’honneur du rock américain à la fin des années 70. Hi my name is Jonny, mitonné au domicile maternel, trépide et trépigne comme s’il avait été enregistré au CBGB’s de New York ou au Rat de Boston, fiefs des hobereaux guerriers que furent les Ramones et les Real Kids. Cet album admirablement concis est d’une sublime générosité. Confiant en son filon, Jonny ne regarde pas à la dépense : en un peu moins de vingt-cinq minutes, il prodigue suffisamment d’idées pétillantes, de trouvailles mélodiques et d’inventivité pyrotechnique pour alimenter deux ou trois (bonnes) discographies normales. Les guitares marsupilami font du trampoline, les refrains rebondis se lancent dans des figures chorégraphiques époustouflantes, les rythmes voyous ont une élégance d’aristos du pavé. Au passage, on renoue brièvement avec des amis chers (en vrac, le Paul Collins Beat, Dwight Twilley, Johnny Thunders, des Troggs néolithiques et Frank Black sur Half mind ) à peine pris en stop qu’aussitôt largués sur le bas-côté. Diable de gosse, qui sort de l’hospice ses oncles grabataires, colle un moteur à leurs chaises roulantes et les sauve ainsi d’une sénescence fatale. Jonny fonce à toute berzingue, grille les feux, coupe les virages. Il donne l’impression de composer comme Dustin Hoffman calcule dans Rainman, en virtuose instinctif. Jonny n’est pas rancunier ; les filles le font tourner en bourrique, il leur offre une demi-douzaine de sérénades trépidantes, chantées d’une voix parfaite, qui trébuche parfois au niveau du nez mais se rétablit en beauté sur la lèvre, gourmande. On s’était résignés à n’avoir des nouvelles du rock’n’roll qu’au travers de disques enregistrés par des pilleurs de tombeaux. Voir cette musique discréditée par les revivals ringards déchirer soudain son costume de momie et arborer une mine printanière est un bonheur inespéré.
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