Le faux groupe de Luke Temple : une ôde à la pop étrange
On ne se fait pas traiter de génie par Sufjan Stevens sans le chercher un peu. On n’utilise pas le mot “Magic” dans son patronyme (très moche, d’ailleurs) sans le mériter un peu. Dans la pop chercheuse d’Amérique, tout le monde n’est pas Luke Temple – et Here We Go Magic, c’est Luke Temple et mille idées saugrenues, ce qui forme un orchestre symphonique très séduisant. Déjà insaisissable avec une guitare et des chansons en bois, l’Américain avait dérouté dès son second album solo, le merveilleux Snow Beast, perturbant son élégant songwriting de petites perversions électroniques, de déréglements sensoriels que l’on pensait réservés à Thom Yorke. C’est dans cette étrange veine, un pied léger dans la tradition et l’autre dans l’expérimentation qu’il continue ses assemblages. Sauf que cette fois-ci, il élargit son terrain de jeux à des percussions tribales, des incantations remontées de la nuit des temps (le krautrock, les années 70), un afro-beat urbain laissé en jachère depuis les aventures dans la jungle sonique de Brian Eno et ses Talking Heads, une sunshine-pop pour robots amoureux… Ceux qui, effrayés par la moiteur et l’opacité du dernier Animal Collective, auront rebroussé chemin trouveront ici une poignées de paisibles paliers de décompression (avec un hamac). Mais tout ceci ne pourrait être que prodigieux travail de décoration si ces Fangela ou Tunnelvision ne possédaient pas, derrière leur insolite cuirasse, une âme, une voix et des refrains qui font de ce premier album l’une des meilleures raisons de posséder deux oreilles branchées à même le cœur en 2009.
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